de l’Adriatique évoquent ce cher souvenir, pour les curieux du Monténégro et de la Dalmatie, Venise est le point de départ du voyage.
Si M. Charles Yriarte prouve par ses récits que, sans s’aventurer en Afrique à la suite de Livingstone et de Stanley, on peut trouver à trois jours de Paris des contrées encore vierges de tout voyageur, Bertall pousse plus loin le paradoxe. Il prétend, et peut-être n’a-t-il pas tort, que la France nous est inconnue. Il veut nous la faire connaître. La Vigne est un pittoresque voyage, au crayon et à la plume, dans les pays de vignobles, le Bordelais et le Languedoc, la Bourgogne et la Champagne. Les croquis reproduits par le procédé Lefman sont spirituellement troussés. Et dans ces légendes Bertall retrouve souvent la fine ironie de Gavarni. Voyez ce visiteur, à coup sûr ennemi des sociétés de tempérance, qui, visitant les caves de Cognac, s’écrie à la vue des barriques rangées en bataille : « Dire que tout ça, c’est rempli de petits verres! » Et lisez les états de services de ce vieux bonhomme, à face placide, qui enveloppe méthodiquement des bouteilles : « Cinquante ans de services. Pas de blessures. »
Gleyre, un des maîtres de l’école contemporaine, a caché sa vie comme s’il en eût rougi et ses œuvres comme s’il les eût jugées indignes. Aussi doit-on savoir gré à M. Charles Clément, le savant critique d’art, d’avoir raconté cette vie d’honneur et de travail, d’avoir décrit et catalogué cet œuvre si varié et si original. C’est Gleyre qui a rajeuni et vivifié l’antiquité; c’est lui qui a restitué aux types grecs le charme et la grâce de la vie, tandis que Ingres leur rendait la grandeur et la perfection idéales de la statuaire. Gleyre est le maître des néo-Grecs; mais ses élèves ont trop souvent sacrifié au genre, à l’attrait du sujet, à l’intérêt du détail. Gleyre au contraire est toujours resté fidèle aux pures traditions de l’art, aux conceptions élevées, au grand style. On connaît bien le Soir, ce poétique tableau du musée du Luxembourg. Malheureusement on ne connaît guère, sinon de réputation, les autres œuvres de Gleyre qui, égales, supérieures même à celle-ci, sont disséminées en Suisse, en Angleterre et dans les galeries particulières : la Danse des bacchantes, qui garde l’eurhythmie antique dans son furieux mouvement; la Vénus pandémos, ce poème de la forme; les Romains passant sous le joug, cette page épique où bat le cœur de la patrie gauloise, ce chef-d’œuvre si accompli que les plus grands peintres l’eussent signé, si original qu’il n’a d’équivalent dans aucune école; la Vierge, d’un caractère raphaélesque et d’une grâce corrégienne; la Cène, austère comme une fresque des catacombes; Ruth et Booz, Ulysse et Nausicaa, ces deux scènes rendues avec la grandeur biblique et la poésie homérique ; Sappho, le Bain, Minerve et les Grâces, et le Paradis terrestre, hymne d’amour et d’innocence, dernier tableau de Gleyre, qu’il a laissé inachevé, comme Apelles avait laissé inachevée la Vénus