Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/868

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

folâtre, a-t-il choisi un tel peintre ? Il est vrai qu’après une longue vie, Hals meurt dans la misère ; mais les deux plus grands maîtres de la Hollande, Rembrandt et Ruysdaël, ont eu le même sort et connu, comme lui, l’abandon et l’oubli de leurs contemporains.

Il est temps de quitter Hals, et cependant nous aurions encore beaucoup à apprendre de lui. D’une façon plus générale d’ailleurs, que de réflexions et d’utiles enseignemens pourrait nous fournir une réunion de portraitistes comme celle que nous trouvons ici. N’est-ce point une rare fortune, en effet, de rencontrer, à quelques pas de distance des maîtres tels que Holbein, Dürer, Giorgione, Titien, Velasquez, Rubens, Van Dyck, Rembrandt et Hals, et de pouvoir les comparer entre eux ? Comment avec ces figures muettes ont-ils atteint une telle éloquence ? Comment parviennent-ils à nous inspirer tant d’intérêt pour des personnages souvent inconnus et près desquels nous passerions indifférens si la vie qu’ils tiennent de l’art n’était supérieure à ce que fut leur propre vie ? Quelle n’est pas, en somme, la puissance de cet art, qui, pour la seule expression de la figure humaine, comporte des interprétations si saisissantes et si variées !

Cette puissance de l’art, nous en trouverions une preuve encore plus éloquente en étudiant ceux des peintres de la Hollande qui se sont bornés à la représentation des mœurs de leur pays dans leurs manifestations les plus humbles. La plupart sont ici et représentés par des œuvres de choix qui, malgré l’insignifiance ou même rentière vulgarité des sujets, commandent l’admiration à cause de la prodigieuse somme de talent qu’elles renferment. Voici, par exemple, assise auprès des fenêtres d’une chambre basse, une femme à coiffe blanche, à caraco rouge, qui nous tourne presque le dos et lit attentivement ses prières. Est-ce bien là un sujet, et cela vaut-il la peine d’être peint ? Notez même que le personnage n’est ici qu’un simple accessoire et qu’en réalité le sujet du tableau c’est cette chambre un peu nue, ou plutôt la froide lumière qui y pénètre. Il est vrai que le peintre c’est Pierre de Hooch, et à ce nom vous pressentez déjà ce qu’il a pu faire de cette mince donnée, ce qu’il y a mis de combinaisons savantes et de solutions exactes. Si le talent de l’artiste vous est connu, il vous est difficile de vous renseigner sur sa personne, car sa vie s’est écoulée obscure et ignorée ; mais ses œuvres parlent assez pour lui, et celle que nous rencontrons ici suffit à nous expliquer la vogue dont il jouit.

Le soleil est donc le vrai sujet de ce tableau : en Hollande, c’est un visiteur assez rare pour qu’on lui fasse accueil, pour qu’on épie sa venue au fond de cette cour étroite et humide où il s’est égaré, et qu’on s’attache à lui jusqu’à sa sortie, comme à un de ces hôtes