avec les grimaces les plus plaisantes. Certes cet art est bien humble et ces sujets sont bien infimes, mais le faire de ces tableautins est si piquant, leur harmonie si distinguée, les gris y sont si finement nuancés, les colorations si discrètes, qu’avec les contemporains du peintre et avec Rubens lui-même on ne se défend pas de s’intéresser à ces magots et à leurs ébats. Teniers pouvait se passer des admirations de Louis XIV; d’autres souverains, des princes et tous les amateurs renommés d’alors se disputaient ses ouvrages. Sa belle résidence de Perk était le rendez-vous d’une société intelligente et choisie. Au sortir de la compagnie des gens d’esprit, le châtelain ne pensait pas déchoir en retournant à ses observations familières. Et il nous prouve à sa façon qu’un talent net et vif comme le sien, même avec les élémens qui semblent les plus insignifians, peut encore faire ses preuves. Son verre n’est pas grand, mais il le remplit et le vide si prestement !
C’est encore à Rubens que Snyders devait de s’être affranchi de l’imitation stricte de la nature morte à laquelle longtemps il s’était borné. Enhardi par les conseils et surtout par les exemples du maître, il avait peu à peu abordé l’expression de la vie et du mouvement chez les animaux. Dans cette seconde manière plus libre et plus dramatique, la Lionne égorgeant un sanglier, et surtout les deux Lionnes s’élançant sur un chevreuil, doivent être comptées parmi ses œuvres les plus remarquables. Jamais, croyons-nous, Snyders n’a peint d’une manière aussi saisissante l’allure menaçante de ces fauves, la sauvage impétuosité de leurs appétits, la flamme de leurs yeux, les sinistres froncemens de leur visage et la force irrésistible de leurs élans. On sent que le maître a passé par là et que c’est à lui qu’il faut reporter sinon l’honneur des œuvres elles-mêmes, ainsi que certains critiques ont voulu le faire, du moins les enseignemens qui les ont produites.
A côté de ces élèves de Rubens dont la valeur et l’originalité propres devaient être signalées ici, nous pourrions en citer bien d’autres qui ont dû aux mêmes leçons leur part de talent et de célébrité. On sait avec quelle bonté le maître servait de guide et de soutien aux jeunes gens qui fréquentaient son atelier. Sa bienveillance ne s’exerçait pas moins vive envers les autres artistes de son pays; il était l’ami de la plupart d’entre eux et vantait en toute occasion leur talent. Il se faisait le collaborateur de Breughel, s’appliquait à peindre de gracieux visages de vierges au milieu de ses guirlandes de fleurs, ou donnait ses touches les plus caressantes aux figures de nymphes dont il ornait la Chasse de Diane et le Triomphe de Flore. Tels étaient d’ailleurs l’éclat et la séduction de son puissant génie qu’aucun de ses contemporains ne pouvait s’y