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que voix consultative. Il y avait bien depuis l’impératrice Catherine des assemblées périodiques de la noblesse, il y avait même un comité des finances locales[1], composé des députés de la noblesse et des députés des villes, mais le contrôle de ces assemblées ou de ce comité était purement extérieur, purement théorique. La plupart des droits accordés aux administrés par les lois de Catherine II étaient devenus de pures formalités que personne n’eût osé prendre au sérieux. De l’administration et des finances, le pouvoir du gouverneur s’étendait jusque sur la justice. Si Catherine avait remis à la noblesse le choix des juges de première instance, le gouverneur avait le droit de les confirmer, le droit de les mettre en accusation, même de les révoquer. L’autorité et les soins du gouverneur s’étendaient sur toutes les branches des services publics; il était, il est encore aujourd’hui, entouré de comités dont il est le président, comité des impositions, comité des voies de communication, comité des prisons, comité de bienfaisance, comité de l’enseignement, etc. Les besognes les plus diverses se trouvaient réunies dans les mains de ce fonctionnaire, qui jadis était souvent un militaire, ignorant de l’administration. La multiplicité de ses attributions contraignait le gouverneur à une immense correspondance; hors d’état d’embrasser toutes les affaires qui lui étaient confiées, il ne faisait le plus souvent que transmettre les instructions de la capitale, ou signer les décisions prises dans ses bureaux. Cet homme, qui de loin semblait revêtu d’une autorité omnipotente, se trouvait fréquemment réduit au rôle de simple expéditeur des affaires ou des écritures ; il n’avait de la puissance que les dehors, les honneurs et les tentations.

L’institution d’assemblées provinciales dotées de sérieuses prérogatives a notablement limité les pouvoirs des gouverneurs et diminué la confusion de leurs attributions. Ce changement ne s’est cependant opéré que d’une manière indirecte, et par suite incomplète. La réforme de l’administration proprement dite, qui depuis longtemps est en projet, reste encore à l’étude. En attendant, la loi maintient au gouverneur ses anciennes fonctions et ses anciens pouvoirs, bien que ses attributions ne concordent plus très bien avec les droits concédés aux nouvelles assemblées électives. Il y a là entre la législation de l’empire et les récentes institutions un manque d’accord, un manque d’harmonie qui se retrouve malheureusement dans d’autres sphères. Les grandes réformes d’Alexandre II, si dignes d’admiration à tous égards, ont en effet ce caractère ou ce défaut, d’avoir été conçues isolément, sans plan d’ensemble, sans

  1. (Comitet semskikh povinoski.)