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royaume de Pologne, aujourd’hui privé de son administration particulière, en compte une dizaine d’étendue notablement moindre[1]. Ces divisions administratives sont pour la plupart tout artificielles, toutes conventionnelles sans autres raisons d’être que la volonté du pouvoir autocratique, qui a découpé à son gré le territoire de l’empire, sans tenir compte des traditions historiques, ni de l’origine des habitans. A cet égard, les goubernies russes ressemblent singulièrement aux départemens français, elles sont le produit du même esprit, des mêmes besoins ou des mêmes habitudes de centralisation. La nomenclature des gouvernemens russes n’a pas du reste les mêmes prétentions scientifiques que celle de nos départemens; elle est beaucoup moins compliquée, chaque gouvernement n’ayant le plus souvent d’autre nom que celui de son chef-lieu. Il n’y a guère d’exception que pour les provinces de l’ouest ou du sud, d’origine étrangère ou d’annexion récente, l’Esthonie, la Livonie, la Courlande, la Podolie, la Volhynie, la Bessarabie, la Tauride. Ces noms historiques suffisent seuls à dénoter une individualité provinciale, d’ordinaire étrangère à la vieille Russie.

Les circonscriptions territoriales de l’empire diffèrent de nos départemens par un point important, les dimensions. Les autorités russes n’ont pas, de même que la révolution française, cherché à fractionner le pays en minces parcelles, comme pour y rendre plus impossible toute velléité d’indépendance de la vie locale. L’état le plus vaste est celui dont les divisions administratives sont les moins nombreuses et les plus peuplées. Les provinces russes varient singulièrement de grandeur selon les régions, le climat, la densité de la population. Les gouvernemens du nord et de l’est, Perm, Viatka, Astrakan, Vologda, Arkhangel surtout, sont aussi vastes ou plus vastes que les grands états de l’Europe occidentale. L’étendue moyenne de chaque province reste encore considérable, elle dépasse celle des petits états de l’Europe centrale, de la Belgique, de la Hollande ou de la Suisse. La population des provinces russes est loin d’être en rapport avec leur étendue, elle serait plutôt en raison inverse; les plus grandes, qui comprennent les solitudes du nord ou les steppes de l’est, sont les moins peuplées: Arkhangel, avec ses 858,000 kilomètres carrés, compte moins de 300,000 âmes. En revanche plusieurs gouvernemens de médiocre étendue, dont le nom est presque ignoré de l’Occident, renferment presque autant

  1. La nomenclature officielle distingue, parmi les provinces de l’empire, les gouvernemens proprement dits (goubernii) et les territoires ou régions (oblasty) qui n’ont pas encore une organisation complète ou gardent quelques institutions particulières. Le nombre des oblast, d’ordinaire situées aux extrémités de l’empire, va du reste en diminuant avec les progrès de la population et de la centralisation.