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dent de la république fait une tentative sérieuse, la chambre se doit à elle-même, elle doit au pays, de ne point être un obstacle au rétablissement de la paix intérieure que tout le monde appelle !

CH. DE MAZADE.




REVUE DRAMATIQUE.




THÉÂTRE-FRANÇAIS.
la reprise d’HERNANI et le drame romantique.

Pendant cette soirée où la Comédie-Française fêtait royalement la reprise d’Hernani, j’aurais aimé avoir pour voisin l’un des rares survivans de la grande première de 1830, — un de ces romantiques fougueux et chevelus qui, munis de la fameuse contre-marque rouge, furent introduits dès l’après-midi dans la salle encore obscure, attendirent huit heures le lever du rideau et transformèrent le paisible Théâtre-Français en un champ de bataille tout retentissant de huées et de bravos frénétiques. J’aurais été curieux d’étudier de près la figure de l’un de ces vaillans qui, comme l’a dit pittoresquement Théophile Gautier, « s’engagèrent aux sons du cor d’Hernani dans la montagne du romantisme » et d’y deviner ses impressions à l’aspect de ce public de 1877, qui applaudissait sans discussion, mais aussi sans passion, les passages autrefois les plus contestés. Peut-être mon voisin eût-il été plus surpris que réjoui de ces ovations un peu trop respectueuses, peut-être eût-il regretté le temps où « certains vers étaient pris et repris comme des redoutes disputées par chaque armée avec une opiniâtreté égale . »[1] Peut-être fût-il devenu mélancolique comme don Ruy Gomez au souvenir de ses années de jeunesse, et eût-il volontiers donné toute cette bienveillance placide, tous ces applaudissemens de dilettantes pour les tumultes ardens et les convictions acharnées d’autrefois.

Les spectateurs qui assistèrent à la reprise de juin 1867 ont déjà pu eux-mêmes constater la transformation qui s’est opérée en dix ans dans l’esprit du public. Lorsque l’empire permit pour la première fois la représentation d’une œuvre de Victor Hugo, les ardeurs politiques

  1. Théophile Gautier, Histoire du romantisme.