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aujourd’hui ? M. le maréchal de Mac-Mahon a offert aux alliés de son ministère l’occasion de réussir, — ils n’ont pas réussi ! M. le président de la république leur a promis de les soutenir, il les a soutenus, il les a patronnés devant le suffrage universel : il ne leur a pas promis de méconnaître pour eux le « jugement du pays, » de résister aux manifestations légales de l’opinion. Il ne s’est engagé à rien de semblable, et ceux qui affectent de l’enchaîner à leur cause, de l’obliger à partager leur fortune, ceux-là oublient qu’à l’époque où ils ont élevé M. le maréchal de Mac-Mahon au pouvoir, ils étaient les premiers à déclarer que le chef de l’état devait rester en « dehors et au-dessus des partis. » C’est la loi de l’irresponsabilité constitutionnelle. Si, dans la chaleur des luttes récentes, M. le président de la république est sorti un moment de cette irresponsabilité, il n’y a pour lui aucun déshonneur à y rentrer, à en accepter simplement, loyalement les conditions et les conséquences légitimes. En cela, tout est franc et droit ; M. le président de la république n’a qu’à écarter quelques souvenirs de combat pour reprendre sa position supérieure entre les partis.

Que peut honorablement et légitimement désirer M. le maréchal de Mac-Mahon, même au sein de cette irresponsabilité, qui est son bouclier et sa force ? Oh ! sans doute, il a le droit de rester un conservateur au pouvoir, le protecteur ou le garant de tous les intérêts de conservation, fût-ce des fonctionnaire ? qui ne se sont pas trop compromis par l’excentricité de leur zèle, qui ont d’autres titres à demeurer les serviteurs du pays. M. le président de la république est fort préoccupé, dit-on, de ne pas paraître faire des concessions au radicalisme et rendre les armes à la démagogie. Rien n’est certes plus simple, et M. le maréchal de Mac-Mahon peut se rassurer, on ne lui demande pas d’ouvrir la porte aux barbares ; mais, si on le pouvait, il faudrait une bonne fois en finir avec cette équivoque perpétuelle que des passions et des préjugés intéressés s’efforcent d’entretenir sur les choses et sur les hommes, qui est peut-être l’illusion de M. le président de la république lui-même. Il faut laisser aux polémiques de circonstance ces dénombrera ens de fantaisie qui font des conservateurs privilégiés de tous ceux qui, sous le nom de légitimistes ou de bonapartistes, poursuivent la ruine des institutions existantes, et des radicaux, des démagogues de ceux qui veulent faire vivre ces institutions en les adaptant patiemment aux traditions et aux intérêts du pays. C’est un artifice usé, ce n’est ni sérieux ni sincère. Est-ce qu’il n’y a de conservateurs que dans un seul parti, dans ce camp sur lequel flottent plusieurs drapeaux, où les alliés d’un jour seraient en guerre demain si l’un d’eux avait la victoire ? Est-ce que des hommes comme M. Léon Renault, M. Léon Say, M. Waddington, M. Bertauld, M. Laboulaye, seraient par hasard des radicaux prêts à proposer la liquidation sociale ou à la laisser proposer ? Et ce pauvre Lan-