Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/705

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’organisation des ministères et sur la responsabilité ministérielle. Le débat, qui s’était ouvert le 26 octobre, avait attiré une affluence inusitée de curieux; la discussion fut vive, intéressante, et dura deux jours. M. Windthorst y déploya sa verve et son talent accoutumés; son carquois est toujours plein, ses flèches sont acérées, il s’entend à les faire siffler. «Convenez, s’écria-t-il, que nous ayons un ministre souverain, et que ses collègues sont ses commis. » M. Camphausen se défendit très fort d’être un commis, et la conclusion de son discours produisit un grand effet sur l’assemblée : il déclara, et M. Friedenthal répéta après lui, que, si la chambre leur refusait sa confiance, ils s’empresseraient de passer à d’autres leurs portefeuilles. Cette déclaration, fort remarquable et fort remarquée, a décidé peut-être du résultat du vote. Elle détermina les libéraux-nationaux à rejeter la motion soutenue par la coalition du centre et des progressistes. A la vérité, quelques jours plus tard, M. Lasker expliqua que le vote de son parti n’était point un vote d’adhésion ni d’approbation, que le sentiment qu’éprouvaient les libéraux à l’égard du gouvernement n’était pas de la confiance, que ce n’était pas non plus de la méfiance, que c’était de la non-confiance. Cette distinction peut sembler un peu subtile. La casuistique n’a-t-elle pas été inventée pour soulager les consciences embarrassées? et comment le parti libéral n’éprouverait-il pas quelquefois des embarras de conscience, vu l’obligation où il se trouve de concilier son libéralisme avec les ménagemens dus à un homme extraordinaire dont l’Allemagne ne peut se passer?

Si les libéraux-nationaux abusent de la casuistique, il faut leur accorder pourtant que leur conduite est judicieuse, ils comptent avec les circonstances, avec les nécessités; ils ne s’acharnent pas à demander l’impossible, ils n’exigent point qu’on leur donne un ministère parlementaire, ils en réservent l’avènement à des temps plus heureux. lis se contenteraient d’avoir un ministère homogène et compacte, qui sût nettement ce qu’il se propose de faire et qui consentît à s’en expliquer avec eux. Ils voudraient qu’on mît dans les affaires un peu de clarté, un peu d’esprit de suite, mais partout règnent le mystère et le décousu. — Vous vous êtes engagé, disent-ils au gouvernement, à poursuivre jusqu’au bout la réforme administrative et à l’étendre à tout le royaume. Comptez-vous tenir vos promesses? — Assurément, répondent ceux des ministres qui ne courent pas les grands chemins et qui sont là quand on les interroge. Toutefois nous jugeons bon de procéder avec une sage lenteur. Nous sommes toujours partisans de la décentralisation, mais nous craignons d’affaiblir le pouvoir central. Tenez compte des passions déchaînées par le Kulturkampf. Décentraliser la commune dans des provinces catholiques telles que la Westphalie et le pays rhénan, ne serait-ce pas y établir le gouvernement des curés? — Soit, reprennent les libéraux, remettez en discussion, si vous le voulez, les concessions que vous