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directe. Au point de vue de la répartition des taxes, pour en avoir un plus grand nombre et en obtenir le plus possible, on a peut-être bien fait; mais, si en agissant ainsi on s’est figuré qu’on changeait quelque chose au revenu de ces valeurs, on s’est trompé du tout au tout. Le détenteur au moment où la loi a été votée a subi une expropriation partielle : l’obligation qui lui rapportait 15 francs auparavant ne lui en a plus donné que 14 1/2 : c’est un trentième de sa propriété qu’il a perdu, et que l’état s’est approprié en vertu de son droit régulier. Mais celui qui est venu après n’a plus subi aucune diminution de revenu; il a examiné ce que produisait réellement cette valeur, déduction faite de l’impôt, et l’a payée en conséquence. Il l’aurait payée plus cher s’il n’y avait point eu d’impôt. Qui donc supporte la taxe? Personne en réalité, elle pèse sur l’industrie à laquelle appartient la valeur, et, s’il s’agit d’un chemin de fer, par exemple, il faudra que ce chemin rapporte non-seulement le revenu net à donner au nouveau porteur du titre, mais encore la part du fisc, et, si, pour y arriver, il est obligé de maintenir des tarifs assez élevés, que les transports diminuent et que l’industrie générale en souffre, alors cet impôt, établi en apparence sur les valeurs mobilières, retombera encore de tout son poids sur les salaires, tant la solidarité est étroite dans tout ce qui tient à la production de la richesse.

Il y a un autre danger à craindre, c’est que l’impôt paraisse trop lourd et qu’on n’en trouve pas la compensation dans le développement de la richesse et l’augmentation des profits : dans ce cas, les capitaux qui n’ont pas d’attache fixe comme les terres et les maisons peuvent s’en aller au dehors chercher des conditions meilleures et plus stables. Ce danger est très sérieux, et s’il se réalisait, on aurait tué la poule aux œufs d’or. Il n’est pas douteux pour nous que les impôts de 12 à 15 pour 100 qui existent en Italie et en Autriche sur les valeurs mobilières sont loin de contribuer à la prospérité de ces pays.

Mais, continue-ton, les impôts de consommation ont au moins un autre inconvénient, ils ne rapportent pas à l’état ce qu’ils coûtent aux contribuables. Le consommateur rembourse non-seulement le montant de l’impôt, mais encore l’intérêt de l’avance que le commerçant a été tenu d’en faire, et si, pour l’impôt du sel par exemple, les détaillans sont obligés d’avancer à l’état 40 millions, c’est 40 millions de plus qu’ils ajouteront au capital avec lequel ils exploitent leur industrie et dont on leur doit l’intérêt, soit, à raison de 10 pour 100, 4 millions. Cet impôt du sel, qui rapporte 40 millions à l’état, coûtera donc 44 millions aux contribuables, sans parler des frais de perception qui sont plus forts pour les impôts indirects que pour les autres. — Il est facile de répondre à cette