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Sébastien et les deux volets qui l’accompagnent, travail de sa jeunesse, exécuté probablement d’après les esquisses de son père, sa dernière œuvre avant son départ pour Bâle et dont il convient par conséquent de fixer la date vers 1515. Comme le sentiment personnel s’y fait déjà jour et se manifeste dans l’exécution aussi bien que dans la pensée ! Certes il est permis d’y noter encore bien des traits d’un réalisme excessif, ces mendians, par exemple, dont les plaies sont reproduites avec une telle fidélité que, suivant Woltmann[1], M. Virchow a pu relever scientifiquement, d’après cette peinture, les caractères que la lèpre présentait à cette époque. Mais à côté de détails réprouvés par le goût, quelle inspiration originale et haute dans la Sainte Élisabeth et surtout dans le Saint Sébastien, figures expressives, pleines de style et de noblesse ! On y découvre un art nouveau que Dürer n’a fait que pressentir, mais qu’attestent chez Holbein des œuvres telles que la Passion de Bâle, la Vierge de Soleure, la Madone de Darmstadt, les vastes compositions de l’hôtel de ville de Bâle, ainsi qu’une foule d’admirables dessins destinés à la gravure. On pense trop peu à ces grandes œuvres quand on apprécie Holbein, et ses portraits, en absorbant autrefois toute l’attention et les louanges de la critique, ont trop longtemps empêché que pleine justice fût rendue à ce côté de son génie.

Il est vrai que, comme portraitiste, Holbein est inimitable et mérite le premier rang ; mais la Pinacothèque ne nous fournit pas de témoignages bien frappans de cette supériorité. C’est en Angleterre, c’est au Louvre, c’est, sur la route même de Munich, à Bâle surtout, qu’il faut le voir et l’étudier pour savoir tout ce qu’il vaut. Dans ce dernier musée, tout rempli de son souvenir et de ses œuvres, à côté des créations les plus élevées, d’innombrables esquisses, des croquis, des feuillets d’un album de poche, permettent de pénétrer dans l’intimité de son talent, dans ses procédés d’étude, alors qu’il cherche à retenir de l’art du passé tout ce qu’il en juge utile, ou que, d’un simple trait, il saisit sur le vif la physionomie des modèles qu’il va prendre dans tous les âges et dans toutes les classes de la société.

Nous comprenons que le catalogue de Munich hésite à attribuer à Holbein les portraits de Conrad Rehlingen et de ses enfans groupés avec une gaucherie dont la naïveté semble excessive à la date de 1517. Malgré les affirmations de M. Woltmann, nous ferons également nos réserves pour les portraits de sir Bryan Tuke et du jeune Derich Bort ; mais n’est-ce pas à Holbein qu’il convient de restituer le capital portrait dit l’Homme à la belle main ? La peinture,

  1. Woltmann, Holbein et son temps, Leipzig, 1866-68.