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aussitôt après l’achèvement, le 7 octobre 1526, au conseil de sa ville natale, comme un souvenir « de son modeste talent. » On y sent la pleine maturité du maître et une énergie d’expression qui lait penser à Fra Bartolomeo. La tête du saint Marc, entre autres, avec ses yeux étincelans, sa bouche entr’ouverte et son air inspiré, est un type étrange dont l’aspect puissant, presque sauvage, force le souvenir. Le portrait du père de Dürer à l’âge de soixante-dix ans, daté 1497, celui d’Oswolt Krell, naïf et un peu gauche, daté

1499, et enfin celui de Wohlgemuth, âgé de quatre-vingt-deux ans, 

avec ses traits déformés par la vieillesse, n’accusent pas dans le talent du peintre la progression que les dates feraient supposer. Le meilleur ouvrage que Dürer ait à Munich, c’est son propre portrait que la gravure a rendu populaire et qui porte la date de 1500. On connaît cette belle tête vue de face ; les cheveux d’un châtain clair, séparés au milieu, retombent en mèches minces et ondulées sur les épaules. Le front est large et haut; les joues, le nez et la main aux doigts effilés et adroits, sont du modelé le plus délicat. Le fini est extrême; les cheveux, les poils de la fourrure, le reflet d’une fenêtre qui, détail assez puéril, est peinte sur la pupille, la structure apparente de l’intérieur de cette pupille, tout est reproduit ici avec le soin le plus scrupuleux. Telle est cependant la science du peintre qu’avec ces prodiges de minutieuse exécution l’aspect général est resté simple. L’œuvre a conservé un grand air ; elle met en relief les traits caractéristiques de ce calme visage; elle unit à une réalité extrême une intensité de vie intérieure telle que cette fois on songe à Léonard. C’est là d’ailleurs une rareté pour un artiste qui le plus souvent manque d’ampleur dans sa manière de peindre, et chez lequel on sent les habitudes d’un autre procédé de travail. Même quand il a le pinceau à la main. Dürer est un graveur; Holbein, lui, est un peintre.

Le musée de Munich nous fournit des indications utiles sur la famille d’Holbein et sur son éducation. Outre une Nativité et une Adoration des Mages de Sigismond Holbein, son oncle, Jean Holbein, son père et son maître, y est représenté par une série de seize tableaux inspirés par la vie du Christ, compositions que son fils devait remanier plus tard en s’appropriant tous les traits heureux qu’elles renferment. Plus favorisé que Dürer, ce jeune homme trouvait donc à son berceau non-seulement l’exemple et les conseils d’un père, mais l’agitation féconde des idées et ces relations nombreuses avec l’Italie qui, à la date de 1495, faisaient de la ville d’Augsbourg, sa patrie, un milieu privilégié entre tous. Aussi se dégage-t-il bien vite de ce que les enseignemens paternels pouvaient avoir encore d’étroit et de sec. Voyez ce Martyre de saint