elles appartiennent à la période qui a précédé immédiatement l’avènement de Phidias et par conséquent l’apogée de l’art grec.
Ces précieuses statues sont au nombre de dix-sept. Toutes, sauf une figure de Minerve, représentent des guerriers qui combattent, qui lancent des flèches, qui frappent ou qui succombent, les armes à la main. Leurs mouvemens violens, leurs attitudes animées, nous montrent que nous sommes déjà loin de la raideur et de l’inertie traditionnelles imposées à la sculpture primitive. La réaction est évidente, et l’étude directe de la nature se manifeste profondément ici par la puissance de l’imitation et du réalisme. C’est la vie elle-même qui circule dans ces corps souples et trapus auxquels l’ardeur de la lutte communique une énergie singulière. Le choix des formes et la clairvoyance avec laquelle sont saisis les traits qui accusent le caractère annoncent de plus un art déjà dégagé des entraves d’une imitation littérale. Avec l’adresse de la main, on sent le travail d’un esprit qui réfléchit, qui compare et résume. Quelque trace des conventions de la période hiératique a cependant persisté ; chez tous ces combattans, la fixité et l’impersonnalité des têtes contrastent étrangement avec l’extrême variété des actions. Un sourire presque pareil plisse leurs lèvres minces et légèrement relevées ; les yeux vagues regardent avec placidité, et, malgré la chaleur de la lutte, les barbes correctement frisées et les chevelures aux boucles symétriques encadrent des visages à peu près impassibles et d’une coupe presque uniforme. Si flagrant que soit ce contraste, il nous semble cependant que M. Vitet en a exagéré les termes dans son étude, si remarquable d’ailleurs, consacrée aux marbres d’Éleusis[1], quand, en leur comparant les Eginètes, il nous parle « de leurs têtes hideuses,… de ces visages sans vie, sans intelligence, immobiles, grimaçans, hébétés ; de ces physionomies presque bestiales qui semblent l’œuvre d’un art moitié puéril, moitié barbare. » Ni l’impassibilité, ni la similitude, ni surtout la laideur, ne sont aussi absolues dans ces figures. En les étudiant de près, on peut y constater de légères différences dans l’âge et le caractère des combattans, et noter même l’expression d’une vive douleur chez celui qui arrache de sa blessure le trait qui y était resté fixé. Un seul personnage a pleinement conservé l’attitude imposée par la tradition, c’est la Minerve qui séparait les deux groupes de guerriers, et la persistance du style archaïque s’explique ici d’elle-même. Placée au centre du fronton, cette figure est de taille plus haute, ainsi qu’il convient à une déesse. Sa tournure raide, son corps vu de face, tandis que les pieds sont de profil, comme dans les statues égyptiennes, ses draperies retombant en plis droits, étages symétriquement,
- ↑ Voyez la Revue du 1er mars 1860.