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leur mérite, confinassent à l’art, fort peu, au point de vue du goût, nous semblaient dignes d’être cités, et nos investigations pour découvrir au milieu de ces nombreuses salles quelque trace d’originalité ont été, nous l’avouons, presque vaines. En dehors de la section autrichienne, qui, bien que très incomplète, montrait cependant une supériorité marquée et des progrès très réels, à peine est-il permis de signaler, dans la partie consacrée à l’empire germanique, des papiers de tenture d’une ornementation sobre et riche, des poêles de faïence ornée de peintures, des services en porcelaine de Meissen à décors rouges ou bleus, très simples, mais d’un agréable effet sur une table, avec les nappages à broderies assorties qui les accompagnaient, enfin un paravent à panneaux peints à l’huile par un artiste fort habile du nom de Schachinger. On n’imagine rien de plus coquet et de plus gai que ces fleurs, ces oiseaux, ces poissons, ces herbages semés comme au hasard sur un fond d’or, dont la facture élégante et le spirituel caprice dénotent une entente parfaite de l’art décoratif. L’originalité de ces charmans ouvrages avait été, croyons-nous, déjà remarquée à l’exposition universelle de Vienne ; mais, à proprement parler, ce n’est plus là de l’industrie, c’est déjà de l’art pur.

A part ces trop rares exceptions, les produits exposés ne présentaient guère que des imitations assez maladroites du passé, et surtout des contrefaçons peu déguisées de l’industrie parisienne. Les essais de créations nouvelles ne brillaient ni par le goût, ni par la grâce. Le manque d’harmonie dans les formes et encore plus dans les couleurs, le défaut d’appropriation du travail par rapport à la matière employée et à la destination même des objets, l’accumulation des détails, la complication des saillies sans aucun respect de l’ensemble, la bizarrerie des inventions et, par-dessus tout, la lourdeur de l’ornementation, tels sont quelques-uns des défauts qui le plus souvent déparent les produits allemands. Il y avait là des marqueteries de bois des nuances les plus disparates ; des châles d’une fabrication très soignée, mais horribles à voir avec leurs bariolages d’un jaune faux mêlés à des arabesques lie de vin ou rouge fade ; des éventails dont les peintures sèches et criardes semblaient découpées à l’emporte-pièce ; des porcelaines de Berlin d’une dureté impitoyable ; des fleurs artificielles tristement violacées ; des bijoux massifs, garantis en or pur, grossiers pastiches de l’art étrusque, assyrien ou égyptien ; enfin des albums, semblables à de grands coffres, dont des architectes en renom avaient fourni les plans, et à la décoration desquels avaient concouru des légions de ciseleurs, de relieurs, de statuaires, de peintres et de mosaïstes, chacun s’évertuant à sa façon sans se préoccuper de ses autres collaborateurs et