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indications sur l’art contemporain en Allemagne, nous avons pu enfin découvrir quelques œuvres d’une véritable valeur. Nous y retrouvions plusieurs des artistes connus en France pour la part qu’ils ont prise à nos salons parisiens : Schreyer, Hoguet, les deux Meyerheim, André Achenbach et le Suisse Vautier, maintenant fixé à Dusseldorf. Le directeur de l’Académie de Berlin, A. de Werner, avait exposé le fragment important d’une frise destinée à être reproduite en mosaïque pour perpétuer le double souvenir de la guerre de France et de la fondation de l’empire d’Allemagne. Le rôle peu flatteur qu’il y avait assigné à notre pays ne saurait nous empêcher de rendre pleine justice à l’habileté du peintre au point de vue de l’exécution ; mais, quelle que soit notre impartialité, il nous serait plus difficile de louer cette composition, dans laquelle les figures symboliques se mêlent de la façon la plus imprévue à des personnages très réels qui, revêtus de leurs uniformes, présentent des types bien connus et dont la ressemblance n’a rien d’idéal.

Les victoires allemandes, Wœrth, Sedan, Champigny, l’entrée nocturne à Orléans, bien d’autres épisodes encore, occupaient naturellement une grosse place à cette exposition, mais sans que le talent s’y montrât toujours à la hauteur des intentions patriotiques. En parcourant ces salles, nous songions involontairement que, si les œuvres inspirées à nos sculpteurs et à nos peintres par nos revers étaient rapprochées des œuvres germaniques, nous ne ferions pas, dans cette lutte pacifique, trop mauvaise figure en face de nos vainqueurs. Quant aux héros mêmes de la guerre de 1870, on en avait multiplié les effigies. Vis-à-vis de l’entrée le buste « colossal » du roi de Bavière, l’air inspiré, les yeux levés au ciel, frappait le visiteur. Tout contre, un Prince de Bismarck en zinc, d’une grosseur effrayante, était coté 10,500 marcs ; çà et là, des rois, des princes, des généraux, dans les attitudes les plus variées, formaient comme un congrès des illustrations militaires ou politiques de l’Allemagne. Malgré l’attrait que pouvait présenter une telle réunion, la foule, apparemment un peu rassasiée de pareils spectacles, se portait de préférence vers les peintures du Viennois H. Makart, un coloriste que les lauriers de Regnault empêchent sans doute de dormir. Sa Navigation sur le Nil était une œuvre d’un réel mérite, mais où la hardiesse du parti-pris et l’éclat à outrance des colorations masquaient mal l’incorrection des formes et le décousu de la composition.

Fort au-dessus de ces toiles tapageuses, il convenait de mettre de simples aquarelles d’Ad. Menzel, un peintre berlinois, connu par une série de tableaux et de dessins consacrés à Frédéric II. Dans un genre plus modeste, l’exposition de Munich nous offrait, de lui une dizaine d’œuvres charmantes, Représentant les sujets les plus