Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/525

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette production sans relâche. Schwanthaler, presque seul, ou du moins avec des aides anonymes, avait à suffire à cette lourde tâche, et savans, poètes et guerriers sortaient coup sur coup de son atelier. La fabrication hâtive de ces œuvres forcément banales faisait dire aux mauvais plaisans que pour tous ces grands hommes c’était un même moule qui servait : les attributs seuls différaient et établissaient leur personnalité.

Aussi, quand le vieux roi disparut, il semble que la veine fût tarie ou du moins que l’ardeur de ses successeurs fût singulièrement refroidie. Sous la Halle des Maréchaux, piteuse imitation de la Loggia dei Lanzi, destinée à abriter les généraux illustres, les statues de Tilly et de Wrède attendent en vain des compagnes et montent depuis plus de trente ans leur faction solitaire. L’activité de la sculpture, aujourd’hui concentrée à Berlin, semble à peu près éteinte à Munich. Malgré ses grandes dimensions, le monument élevé au bout du pont de l’Isar en l’honneur de Maximilien ne fait qu’attester la pauvreté de l’école actuelle. C’est une œuvre sans caractère, très peu recommandable au point de vue du style, et de l’aspect le plus malencontreux. Le bronze, d’un rose jaunâtre, ressemble à du zinc verni et se détache à peine sur un marbre d’un jaune fade ; à la base sont rangées symétriquement des figures allégoriques, rondes et molles, personnifiant, avec une insignifiance convenable, des symboles abstraits, tels que la constitution bavaroise ou l’union des confessions religieuses, sujets peu faits, il faut le reconnaître, pour inspirer un artiste.

Même aux plus beaux temps de leur incessante production, les architectes et les sculpteurs munichois n’avaient pas affiché de trop hautes prétentions, ni visé à une grande originalité. Ils se bornaient à copier ou à suivre de leur mieux les traditions du passé. Le programme des peintres était plus ambitieux. Ils n’aspiraient à rien moins qu’à renouveler leur art ; s’ils ne le disaient eux-mêmes, du moins ils le laissaient dire par des critiques accrédités. Suivant ceux-ci, les voies de la peinture moderne avaient été faussées : il s’agissait de remonter le courant et de revenir aux vraies sources du grand art. C’est surtout par la pratique de la fresque que la nouvelle école voulait affirmer ses principes. On sait ce que Raphaël et Michel-Ange ont fait de ce genre de travail, on connaît la noble simplicité de leur langage, la belle ordonnance de leurs compositions, la forte unité par laquelle ils en rattachent tous les élémens qui semblent ainsi dériver naturellement du sujet lui-même. Les incomparables dessins de Raphaël nous montrent comment ce facile et puissant génie se retrempait dans l’étude de la nature et y trouvait, avec la richesse de la vie et la variété des créations, une souplesse admirable de moyens pour interpréter la réalité. C’est dans