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ESSAIS ET NOTICES.

Mémoires sur l’ambassade de France en Turquie, par M. le comte de Saint-Priest. Publication de l’École des langues orientales vivantes. Paris, 18T7. B. Leroux.


L’École des langues orientales vivantes a entrepris, avec le concours des ministères de l’instruction publique, des affaires étrangères et du commerce, une série de publications qui nous fournissent des documens jusqu’à présent inédits ou non traduits, et qui formeront bientôt toute une collection intéressante à plus d’un point de vue. Plusieurs volumes ont déjà paru, par les soins et sous la surveillance des professeurs de l’école ; aujourd’hui le directeur, M. Ch. Schefer, vient d’éditer une histoire de l’ambassade et des ambassadeurs de France près la Porte-Ottomane depuis François Ier jusqu’à Louis XVI, écrite par le comte de Saint-Priest, ambassadeur du roi à Constantinople (1768-1784).

On pourrait répéter aujourd’hui encore, ces mots que notre ambassadeur écrivait il y a environ un siècle en commençant l’introduction de son travail : « La nation turque est, sans contredit, celle de toute l’Europe dont l’histoire a été écrite avec le plus d’ignorance et d’inattention. » Cette réflexion a peu perdu de son actualité, et elle nous indique ainsi tout d’abord quel sera l’intérêt de l’ouvrage que nous avons sous les yeux ; le titre en limite en même temps la portée précise et nous promet, non pas une histoire de la nation turque, mais un mémoire, des documens qui serviront un jour à l’édification de cette histoire.

Jusqu’à la révolution de 89, nos représentans en Turquie devaient, au retour de leur mission, remettre au roi un mémoire sur les négociations qu’ils avaient dirigées et sur la situation commerciale des Français établis dans les ports du Levant. Cet usage, dont l’utilité ne se ferait plus sentir aujourd’hui, avait alors son importance : on sait quel était le rôle d’un ambassadeur du roi à Constantinople, à quels devoirs multiples il était astreint, aussi bien en ce qui touchait aux affaires soulevées par la situation exceptionnelle de la France vis-à-vis de la Porte que relativement à la protection de nos nationaux, missionnaires, navigateurs et commerçans. De si nombreux intérêts à défendre et, en outre, la difficulté des communications obligeaient nos représentans à un séjour qui souvent dépassait quinze années, et leur imposaient avant tout une responsabilité des plus lourdes dont ils devaient avoir à cœur de se dégager à leur retour en France. Le dépôt d’un mémoire relatif à leur mission avait ce double avantage d’éclairer la cour en justifiant ses mandataires. Le comte de Saint-Priest le comprit à merveille, mais il