Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vestige du druidisme proprement dit hors de la transalpine, pas même au sein des populations congénères d’Italie, du Danube et d’Asie-Mineure, me paraît confirmer très fortement cette appréciation.

Si donc il est invraisemblable que le druidisme soit venu d’outre-Manche ou d’outre-Rhin, que reste-t-il à supposer quant à ses origines, si ce n’est qu’ayant pourtant bien dû naître quelque part, il est né tout bonnement sur le sol où il a vécu et fleuri ? César nous rapporte (VI, 18) que les Gaulois disent avoir reçu des druides une tradition selon laquelle ils seraient tous descendus de Dis, c’est-à-dire, dans le symbolisme du narrateur, du Dieu souterrain, du sol lui-même. Il serait bon de compléter cette notice par celle plus précise de Timagène, reproduite par Ammien Marcellin, et d’après laquelle les druides n’assignaient cette origine autochthone qu’à une partie de la population gauloise, ce qui est bien plus vraisemblable. Seulement on peut conclure de l’assertion de César que les druides eux-mêmes se considéraient comme faisant partie des Gaulois fils de Dis, et par conséquent de la population indigène proprement dite. Cela me paraît, je vous l’avouerai, beaucoup plus probable et plus probant que la relégation des origines druidiques dans la brumeuse et lointaine Albion. Vous aurez pu remarquer Les fortes préventions que je nourris contre cet intrigant de Divitiac, bien connu pour avoir brigué les faveurs de l’ennemi juré de la Gaule, contre ce druide ambitieux et retors, que je soupçonne véhémentement d’être l’auteur principal des hâbleries débitées à César sur la constitution, la puissance énorme, les prétentions exorbitantes de la corporation dont il était membre. Qui sait s’il n’entra pas dans ses plans de désigner ce pays inconnu, que l’on pouvait croire inaccessible à une armée romaine, comme le foyer mystérieux, inabordable, des secrets, des influences et des traditions théocratiques ? C’était bien loin pour y aller voir. Et, puisque nous sommes en train de faire des suppositions, qui pourrait, dire jusqu’à quel point la peur de voir s’évanouir cette légende aux yeux du hardi capitaine prêt à s’embarquer ne fut pas pour quelque chose dans les résistances désespérées de Dumnorix, frère de ce Divitiac, non moins ambitieux que lui et qui ne voulut absolument pas (religionibus impeditus, disait-il) suivre César dans cette expédition, ce qui fut cause de sa mort ou de son assassinat (Bell. Gall., V. 7) ?

Mais laissons ce détail, et, pour revenir à la thèse principale, disons que la grande extension du druidisme en Gaule doit avoir été postérieure à ces invasions de l’Italie du nord, que, vous rapprochant des données de Tite-Live, vous fixez avec une grande sagacité à la deuxième moitié du VIe siècle avant notre ère. Mais cela n’empêche nullement que le druidisme existât déjà dans quelques cantons à l’état d’humble compagnie de sorciers-médecins, sans pouvoir encore passer pour une