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par les élections du mois de juillet dernier, grossie de quelques autres fractions hostiles au projet ministériel, a répondu en refusant le débat dans ces termes, en constatant dans l’adresse au roi le désaccord entre la chambre et le cabinet. Et le chef de l’opposition hollandaise, M. Kappeyne van de Coppello, lui aussi, s’est donné la satisfaction de placer M. Heemskerk dans l’alternative de se conformer aux vœux de la chambre ou de laisser la tâche à d’autres, — enfin « de se soumettre ou de se démettre ! » Heureusement pour la Hollande, le dilemme est moins grave à La Haye qu’ailleurs. S’il y a eu au premier instant dans le gouvernement quelque velléité d’aller jusqu’à une dissolution de la chambre, cette pensée, qui n’était d’ailleurs nullement celle de tous les ministres, n’a pas tenu devant la majorité assez forte qui s’est prononcée, — 44 contre 28, — et le ministère s’est démis de bonne grâce. L’enfantement d’un nouveau cabinet n’a pas été aussi facile qu’on le croyait ; il a duré près de trois semaines. Ce n’est qu’aux premiers jours de ce mois qu’est apparu un ministère dont le chef naturel est le leader reconnu des libéraux dans la dernière campagne. M. Kappeyne van de Coppello est du reste, lui aussi, un homme supérieur dans son parti, jurisconsulte éminent, orateur d’une vigoureuse intelligence et d’une merveilleuse lucidité de parole. Le nouveau ministre des affaires étrangères est M. de Heekeren von Kell, depuis longtemps directeur du cabinet du roi. Les finances passent à M. Gleichman, qui a été secrétaire de la banque et qui a la réputation d’un habile praticien. Le portefeuille de la guerre est confié à M. de Roo, officier d’infanterie et député, qui s’est signalé par ses travaux militaires, par ses idées sur l’organisation de la défense nationale. Le ministre des colonies, M. Van Bosse, est un homme déjà éprouvé au pouvoir, vieillard plein de verdeur et d’activité. C’est M. van Bosse qui, comme ministre des finances, a inauguré il y a bien des années le libre échange en Hollande.

Évidemment le nouveau cabinet de La Haye a en lui-même assez de ressources d’expérience et de talent pour faire le bien dans un pays si calme, si fermement attaché au régime constitutionnel. Il a cependant encore à se présenter devant les chambres, dont les travaux ont été suspendus pendant la crise ministérielle ; alors seulement on aura la mesure de la politique qu’il se propose de suivre, de l’autorité qu’il peut prendre et du concours que le parlement pourra lui prêter. CH. DE MAZADE.