ghazi, de « victorieux ! » Il s’est perdu par trop de confiance, pour n’avoir pas assez mesuré ce que lui permettaient ses forces et ce que pouvait lui créer de dangers un retour offensif des Russes.
Moukhtar-Pacha, après ses succès de l’été, s’est figuré trop aisément en avoir fini et s’est cru tout permis. Il a commencé par s’affaiblir en laissant un de ses lieutenans, Ismaïl-Pacha s’engager à grande distance par Le sud sur le territoire russe dans la direction d’Igdir, et il est allé lui-même, avec ce qui lui restait de son armée, camper au-delà de Kars, menaçant Alexandropol. Les positions où il s’est établi sont formées sur une assez vaste étendue, par un massif montueux, entrecoupé et volcanique, dont les points principaux s’appellent les monts Yagny, le Kizil-Tépé, l’Awliar, l’Aladjadagh, — plus en arrière, Vizinkoï. Au-delà du massif coule l’Arpatschaï, servant à peu près de frontière. Ces positions sont assurément puissantes, elles sont autant de retranchemens naturels merveilleusement appropriés à l’opiniâtreté défensive des Turcs. Seulement le chef Turc risquait d’être trop avancé, de s’être trop éloigné de Kars et d’avoir laissé derrière lui un intervalle dangereux. De plus, entre la route d’Alexandropol, où il avait son aile gauche, et l’Aladjadagh, où il avait son aile droite, ses lignes étaient démesurées pour des forces déjà diminuées par le détachement d’Ismaïl-Pacha, appauvries par la rude campagne de l’été. Enfin il restait à découvert sur sa droite au-delà de l’Aladjadagh, dans la partie inférieure du cours de l’Arpatschaï, dont les Russes étaient maîtres et par où ils pouvaient tourner toutes ces positions. Il avait l’apparence d’une situation inexpugnable, il était en réalité très vulnérable, et on allait le lui montrer d’une manière foudroyante.
Ce que Moukhtar-Pacha ne soupçonnait pas en effet, c’est que, pendant qu’il s’établissait ainsi, les Russes, se remettant rapidement de leurs défaites, recevant chaque jour des renforts considérables, se disposaient à rentrer en action, et cette fois avec plus de méthode, avec des combinaisons mieux entendues, avec de nouveaux chefs, quoique toujours sous le grand-duc Michel. En réalité, la nouvelle armée, russe que Moukhtar-Pacha avait devant lui, sans connaître ni son importance ni ses puissans moyens d’artillerie comme il en a fait naïvement l’aveu, cette armée recommençait à se mettre en mouvement dès les premiers jours d’octobre. Elle enlevait quelques-unes des positions les plus avancées au Kizil-Tépé, elle menaçait les Turcs aux monta Yagny. Moukhtar, qui aurait dû être éclairé, ne faisait rien pour se mettre en garde, : il attendait en bataillant sans résultat, sans modifier ses dispositions ; mais ce n’était qu’un prélude. Ce n’est que quelques jours après, le 15 octobre, que se dévoilait le plan russe et que la véritable action s’engageait sur toute la ligne par un ouragan de fer et de feu. L’opération avait été habilement conçue, et elle était vigoureusement exécutée. Tan-