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pect des traditions parlementaires et les garanties conservatrices dont il a le juste souci, il trouvera, s’il le veut, bien des complices qui sont aussi conservateurs que lui : il en trouvera dans la chambre des députés comme dans le sénat. Il ne s’agit pas pour M. le maréchal de Mac-Mahon de trahir les intérêts de la société dont il se considère comme le gardien, de se laisser traîner aux aventures par des influences radicales ; tout ce qu’on lui demande, c’est de rester sur le terrain constitutionnel où son irresponsabilité comme chef de l’état le fait inattaquable, de ne croire ni sa dignité, ni sa susceptibilité, ni même ses opinions engagées dans une lutte sans issue, sans honneur pour lui, sans profit pour le pays.

Certes, lorsque M. Thiers disait que la république serait conservatrice ou qu’elle ne serait pas, il ne prétendait pas apparemment la livrer au radicalisme. Il lui désirait, lui aussi et avec plus de prévoyance que tout autre, un gouvernement conservateur. Toute la question est de savoir si c’est là le vrai caractère du ministère qui dispute aujourd’hui les dernières heures de son existence, ou des ministères sans couleur et sans nom qui n’en seraient que les équivalens effacés, qui ne feraient que perpétuer cette équivoque d’une république gouvernée avec l’appui et dans l’intérêt de deux ou trois partis ennemis. L’expérience est faite, on peut l’affirmer. Ce qu’on a plus d’une fois reproché, ce qu’on a toujours le droit de reprocher au ministère qui dirige les affaires de la France depuis six mois, c’est d’avoir été non-seulement le moins parlementaire, le moins constitutionnel des gouvernemens, mais encore le moins conservateur des pouvoirs. Il n’est arrivé, par ses procédés étranges, qu’à créer cette situation extrême où ce sont les intérêts conservateurs qui sont le plus immédiatement en péril, où, selon le mot récent de M. Léon Renault, celui qu’on a nommé le « soldat légal, » M. le président de la république voit le terrain de la légalité se dérober sous ses pieds. Voilà où on en est arrivé, de sorte que cette prétendue politique de conservation et de résistance est en réalité la plus perturbatrice des politiques. Qu’elle disparaisse aujourd’hui, c’est véritablement une nécessité de paix publique ; mais en même temps qu’on a le droit de demander à M. le maréchal de Mac-Mahon le retour à une pratique plus régulière du régime dont il a accepté d’être le président, c’est pour la majorité de la chambre des députés une obligation pressante de rester de son côté sur le terrain strictement légal et constitutionnel. Nous ne voulons pas dire absolument que la commission d’enquête parlementaire qui a été proposée et sur laquelle on discute encore aujourd’hui excède cette limite ; elle risque tout au moins d’avoir dépassé la mesure par les considérans et la phraséologie dont elle a été accompagnée. M. Léon Renault a eu besoin hier de toute son habileté éloquente pour la dépouiller de son caractère d’acte exceptionnel et presque révo-