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de plomb de Couëron, laisser uniquement les Anglais se livrer à ces opérations fructueuses ; il faut les suivre dans cette voie. Comment aussi laisse-t-on aux grands caboteurs anglais tout seuls le soin de porter à Saint-Nazaire les 400,000 tonnes de charbon dont Nantes a besoin chaque année ?

Des huileries de graines, des savonneries, commencent à fonctionner à Nantes. Qu’on étende la consistance et le nombre de ces usines. Qu’on augmente, qu’on agrandisse les minoteries, les distilleries ; qu’on crée des fabriques de produits chimiques. La Touraine fournit de grandes quantités de vins. Qu’on les concentre, qu’on les travaille et les prépare pour l’exportation comme on fait a Bordeaux pour les vins dits de Cahors, à Cette pour ceux du Languedoc. La confection des meubles fournit déjà un fret assez important aux navires qui partent du port de Nantes. Ne gagnerait-on point à établir de nouveaux ateliers de ce genre ? Ce n’est pas le goût qui manque en France. Les bois indigènes, le noyer, le chêne, le poirier, l’érable, y sont de bonne qualité, n’y sont pas chers, et nos ports nous amènent à bon compte tous les bois d’ébénisterie exotiques, le thuya, le palissandre, l’acajou, l’ébène. Nous pourrions fournir de mobiliers de choix une partie des habitans du globe.

Nantes doit être à la fois un grand marché et un grand atelier, un grand marché pour tout l’ouest et le centre de la France, un grand atelier exportant au dehors la majeure partie de ses produits manufacturés. Le voisinage et les progrès de Saint-Nazaire ne doivent pas effaroucher Nantes. Il y a place sur la Loire pour les deux ports. Le Havre n’a pas fait disparaître Rouen, seulement Rouen a su se transformer, et s’est contenté de devenir une des premières villes manufacturières de France, quand Le Havre a pris dans les transports maritimes la place que Rouen y occupa jadis. C’est là ce que doit faire Nantes. Saint-Nazaire amènera des pays lointains les matières à élaborer, Nantes les transformera dans ses usines. Cependant nos ingénieurs rendront vers l’un et l’autre port les mouvemens de plus en plus faciles, et s’étudieront à améliorer et à compléter de toute façon les voies d’eau et les voies de fer, sans lesquelles il n’est pas de marine, de commerce, d’agriculture, ni d’industrie. A propos de l’amélioration de la Loire, on a présenté bien des projets, on a prodigué les promesses, et l’on n’a jamais rien fait. Il y va de l’avenir du port de Nantes ; que le gouvernement sorte enfin de cette inaction absolue où il ne semble que trop se complaire.


L. SIMONIN.