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on peut se demander s’il doit en être de même pour la Loire maritime ou Basse-Loire. Jusqu’ici, il faut bien le reconnaître, on n’a pas été plus heureux sur le bas que sur le haut du fleuve, et tous les efforts des ingénieurs, nous l’avons vu, sont venus échouer contre les résistances aveugles de la nature, les forces fatales des élémens. La Loire, à partir de Nantes, n’a qu’une profondeur de 3 mètres sur les 60 kilomètres qui la séparent de la mer. On voudrait porter cette profondeur à 7 mètres, pour donner la faculté à tous les navires d’aborder sûrement à Nantes en pleine charge. La chambre de commerce de Nantes est revenue plusieurs fois sur cette idée, l’a fait en partie accepter par le gouvernement, qui a détaché à deux reprises quelques-uns de ses ingénieurs pour préparer les projets et les devis de ce grand travail[1]. Quand on a soumis les pièces de cette sorte d’enquête au conseil supérieur des ponts et chaussées, il a toujours donné un avis défavorable. Les projets n’étaient pas cependant mal conçus, et le coût des travaux à faire, draguages, endiguemens ou autres, avec un bassin à flot à Nantes, ne s’élevait point au-delà de quelques dizaines de millions ; on n’en aurait pas certainement dépensé plus de 50 dans l’ensemble, en donnant à ce projet toute l’ampleur nécessaire.

Quelques Nantais n’ont pas plus de confiance que l’état dans les travaux d’approfondissement de la Basse-Loire. Atteints de ce qu’un ingénieur du gouvernement appelait avec irrévérence la « maladie du canal latéral, » pensant qu’il vaut mieux amener la mer à Nantes que d’aller la chercher à Saint-Nazaire, ils demanderaient volontiers qu’on ouvrît un canal à grande dimension de Nantes à la mer. Nous n’avons pas à prendre parti dans ce débat, qu’il serait toutefois urgent de voir clore. Quant à la situation réciproque de Nantes et de Saint-Nazaire, remarquons qu’elle n’offre rien qui doive exciter la jalousie, les méfiances, les craintes de l’un ou de l’autre de ces ports. Comment ! Nantes a demandé qu’on lui donnât Saint-Nazaire, et le jour où le bassin à flot de Saint-Nazaire est creusé, Nantes le voit fonctionner d’un mauvais œil ? Pourquoi cela ? Quand les Anglais ont approfondi et dragué la Clyde, Glascow est devenu le grand port que l’on sait ; il a vu sa population passer de 100,000 à 500,000 habitans ; Greenock n’est toujours que le port de l’embouchure. Nantes restera pour la France le grand port de l’ouest, quelque sort que l’avenir réserve à Saint-Nazaire, mais il ne faut pas que les Nantais boudent.

Ce n’est pas d’ailleurs d’assoupir la rivalité de Nantes et de

  1. Voyez Nantes et la Loire, par M. Lechalas, Nantes, 1870, et De la nécessité d’améliorer la Loire, par M. Goullin ; Nantes, 1876.