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silex, de bronze, des pierres perforées, des poteries grossières, des ossemens de bœuf et de cerf, portant la trace du travail de l’homme, puis des médailles, des crânes à forme allongée ou dolichocéphale ont été successivement découverts dans ces assises superposées. Il y a eu là, dès l’origine des temps, un habitat humain, une station de marins et de pêcheurs, et l’on a pu marquer par le nombre des couches sableuses le nombre des années écoulées entre notre époque et les premiers dépôts de la Loire, qui semblent ne pas remonter au-delà de 9,000 ans. C’est ainsi que les fouilles du sol, conduites par un esprit attentif, observateur, peuvent venir en aide à l’archéologie préhistorique et l’éclairer de données certaines et pour ainsi dire mathématiques, en lui fournissant ce qu’on a si bien appelé un chronomètre naturel. Mais comment M. Kerviler a-t-il constaté que les couches annuelles pouvaient se compter d’une manière certaine, à peu près comme les années d’un arbre se mesurent par les couches concentriques du tronc ? Le voici. Les dépôts annuels de la Loire se sont effectués avec une constante régularité. Ils sont d’une épaisseur moyenne de 3 millimètres, et chaque dépôt se compose d’un lit de détritus végétaux, d’un lit de glaise et d’un lit de sable. Les végétaux arrivent à l’automne après la chute des feuilles, le sable pendant l’hiver, la glaise pendant l’été. Il résulte de ce qui vient d’être dit que 30 centimètres d’épaisseur de ces dépôts correspondent à la durée d’un siècle. Dans une tranchée, à l’air, le sable s’effrite, et il est facile dès lors de compter les assises, sans faire d’erreur, en marquant le nombre de cordons sableux. Reste à trouver un point de départ. Or une monnaie de Tétricus, usurpateur gaulois, rival de l’empereur Aurélien, qui le défit, a été rencontrée dans une des couches sableuses. La défaite de Tétricus ayant eu lieu en l’an 274 de notre ère, la couche de sable où cette médaille a été rencontrée correspond au IIIe siècle. Des épées et un poignard en bronze ayant été trouvés dans une couche qui est à 2m,40 au-dessous de la précédente et qui est par conséquent plus vieille de huit siècles que celle-ci, cela signifie qu’au Ve siècle avant l’ère chrétienne la Gaule n’était pas encore sortie de l’âge de bronze, ou du moins la partie de la Gaule arrosée par la Loire. A la même époque, l’âge de la pierre polie n’avait pas non plus disparu tout à fait, puisqu’on a rencontré, dans les mêmes assises que les armes de bronze, une hache en silex poli emmanchée sur une corne de cerf, des bois de cerf aiguisés, effilés, et même d’énormes pierres percées ou entaillées. Ces pierres servaient sans doute d’ancres aux embarcations primitives qui fréquentaient ces parages de l’Océan et de la Loire. Les marins de Saint-Nazaire, on le voit, peuvent se réclamer d’ancêtres qui remontent à une très haute antiquité.

Les observations de M. R. Kerviler ont été faites jusqu’à