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part le canal de Nantes à Brest, ouvrage du premier empire, qui permet de relier par terre, à l’abri des feux d’une croisière ennemie, le grand port de commerce de la Loire avec notre principal port militaire sur l’Océan. Le pont de Pirmil vient le dernier, au sud ; à côté débouche la Sèvre, que l’on appelle nantaise, et qui est navigable comme l’Erdre. Au moyen de ces deux rivières et de la Loire, Nantes communique facilement par eau avec tout l’intérieur du pays.

Ethnographiquement, Nantes appartient à la Bretagne, dont elle marque une des limites au sud. On n’y parle pas le breton, mais les femmes du peuple et de la petite bourgeoisie y ont conservé leur coiffure caractéristique, qui n’est pas sans élégance, une sorte de long bonnet en tulle, orné de dentelles, de forme conique, soigneusement blanchi, tuyauté, repassé. Elles portent aussi une espèce de pèlerine qui donne à leur accoutrement quelque chose d’original. Cela excepté, le costume n’offre rien de particulier, et les hommes qu’on rencontre avec le chapeau de feutre noir à larges bords, la petite veste et les culottes courtes, sont des Bas-Bretons venus du Morbihan, de Quimper ou de Vannes. Marseille et même Bordeaux ont sur ce point beaucoup plus de cachet que Nantes. Ici tout le monde, sauf de très rares exceptions, parle français, et aucun costume étranger, grec, Turc, espagnol, africain, asiatique, ne tranche sur le costume national. Parmi les négocians de la place, très peu aussi sont venus du dehors. Il n’y a presque pas d’Anglais ou de Scandinaves, point d’Allemands ni d’Américains. Le nègre, si répandu à Bordeaux, à Marseille, où il arrive des colonies avec ses maîtres ou comme matelot, est aussi absent de ce port, qui se livra jadis si ardemment à la traite.

Le négociant nantais n’aime pas l’étranger, ne l’accueille pas volontiers, et tandis que certains de nos ports ont été de tout temps ouverts généreusement à tous, ici l’on semble n’aimer que les indigènes, ceux qui ont poussé à l’ombre du clocher natal, sur les rives mêmes du fleuve. Ces allures sont doublement fâcheuses, car elles tiennent la place de Nantes dans une sorte d’isolement où il n’est plus permis désormais de se cantonner, si on ne veut pas s’étioler et mourir. En dehors de l’Europe, Nantes n’étend aujourd’hui ses relations que sur les points avec lesquels elle trafiquait autrefois, les Antilles, les colonies de la mer des Indes ; elle connaît peu les États-Unis, l’Amérique du Sud, les établissemens hollandais des détroits ; elle semble ignorer l’Australie, la Chine, le Japon.

Plus peut-être qu’aucun de nos ports, Nantes a souffert des transformations récentes qu’a subies la marine marchande. La Loire n’y a pas une profondeur d’eau de plus de 3 à 4 mètres, et des navires de plus de 300 tonneaux ne peuvent sûrement y aborder,