Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 24.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demander l’hospitalité à son gendre Charles Ier ; le cardinal-infant, qu’elle avertit de cette résolution, dissimula la joie qu’il en ressentit ; les Belges soupçonnaient toujours la reine de vouloir se réconcilier avec son fils, et l’imagination populaire la voyait parcourir la forêt de Soignies pour rencontrer des émissaires du cardinal. Le cardinal-infant se défiait à bon droit des serviteurs de Marie de Médicis, presque tous vendus au cardinal.

Sans attendre la réponse de Charles Ier, Marie de Médicis se décida subitement à quitter les Pays-Bas. Elle fit mine d’aller à Spa ; partant de Bruxelles le 10 août, elle prit, par Louvain et Tirlemont, la route de Liège ; elle rencontra les magistrats de Liège qui venaient la saluer, puis, changeant tout à coup de direction, elle alla coucher à Hasselt, et se dirigea ensuite sur Bois-le-Duc, où était le prince d’Orange. Le prince monta à cheval et, accompagné de sa femme et d’un nombreux état-major, il alla la recevoir à une lieue de la ville. Frédéric-Henri lui rendit tous les honneurs dus à une souveraine ; tout le monde remarqua l’air altier avec lequel Marie de Médicis aborda la princesse d’Orange. Que voulait-elle, en sortant d’une province espagnole et en entrant chez les ennemis de l’Espagne ? Est-il vrai, du moins quelques-uns l’ont cru, qu’à l’approche de la naissance d’un dauphin, elle ne voulût plus rester chez les ennemis de la France et se préparât par cette sortie à une nouvelle régence, sachant le roi de France de très chétive santé ? Était-elle seulement fatiguée de sa solitude de Bruxelles et irritée des traitemens dont elle commençait à souffrir ? Avait-elle des raisons de se séparer de la duchesse d’Orléans ? le séjour de Spa offrait-il quelque péril ? Le choix des Pays-Bas n’était pas si malhabile, car dans ces provinces, le peuple ne vit dans Marie de Médicis que la veuve d’Henri IV et elle fut reçue avec un enthousiasme naïf et reconnaissant. Ces effusions furent telles que Richelieu en fut irrité, et quand les états s’avisèrent de faire une démarche auprès de lui pour demander le retour en grâce de la reine mère, il les trouva fort impertinens : « Ces bonnes gens parlent de ce qu’ils ne savent pas. »

La reine partit pour l’Angleterre ; elle y fut reçue par Charles Ier et s’installa au château de Saint-James. M. de Bellièvre, l’ambassadeur de France, eut défense d’aller la voir plus d’une fois et de recevoir aucun de ses serviteurs. Charles Ier envoya solennellement lord Jermyn à Paris pour demander au roi de France « qu’il lui plût de permettre le retour de la reine sa mère dans le royaume et de lui laisser la libre jouissance de tout, le bien dont elle jouissait avant sa sortie, ou au moins lui envoyer à Londres de quoi vivre et s’entretenir en sa qualité. » Lord Jermyn portait deux lettres au cardinal, l’une de la reine Henriette, l’autre de Marie de Médicis, très