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là-dessus, l’envoyé français demanda une audience aux états, et l’infante fit signifier aux états qu’ils eussent à refuser de le recevoir. Les députés belges tinrent pour l’infante et ne voulurent pas même recevoir une lettre de l’envoyé français. « C’était bien moins, dit M. Henrard, le caractère des Belges que celui de leurs institutions qui les rendait réfractaires aux dangereuses insinuations de ceux qui voulaient les soulever contre le gouvernement établi ; malgré tout ce qu’on a dit de l’intolérance et du despotisme de l’Espagne, les vieilles libertés communales et provinciales qui manquaient à la France étaient encore presque toutes debout dans les Pays-Bas, et, sauf quelques ambitieux dont les visées étaient plus hautes, chacun trouvait, malgré l’absorption du gouvernement central par l’élément étranger, dans la sphère plus étroite de la province ou de la cité, de quoi satisfaire son activité et ses goûts de domination. Une autre cause d’insuccès pour les fauteurs de rébellion était la persistance des vieilles rivalités qui jadis avaient soulevé l’un contre l’autre l’habitant des Flandres et du Brabant, l’habitant du Hainaut et de l’Artois, bien que depuis deux siècles ils vécussent sous le même sceptre. »

La reine mère avait fait tout ce qui dépendait d’elle pour aider aux projets de son second fils, elle avait essayé d’intéresser en sa faveur Ferdinand II, l’empereur d’Allemagne, elle avait appris avec une vive douleur que son nom n’avait pas même été prononcé, non plus que celui d’aucune des personnes qui lui étaient restées fidèles, dans le traité de Béziers qui avait suivi la défaite de Castelnaudary. Un de ceux qui l’avaient rejointe aux Pays-Bas, le baron de Guesprez, capitaine de ses gardes, fatigué d’un exil dont il ne voyait plus la fin, fut soupçonné d’être entré secrètement en rapports avec le cardinal. La reine le fit arrêter dans son logis et enfermer au château de vilvorde. Guesprez adressa une requête aux états-généraux. On fit des remontrances à Marie de Médicis, et on la supplia de faire élargir le prisonnier. La reine repoussa avec hauteur les observations qui lui furent faites : Guesprez était à elle, et il lui était loisible de le châtier, « vu qu’elle n’avait pas moins de juridiction sur ses domestiques que les ambassadeurs des souverains. » Le conseil d’état fit interroger Guesprez : l’enquête démontra qu’il n’avait point trahi sa maîtresse, et l’infante le fit relâcher.

A Bruxelles et à Madrid, on désirait que la reine mère fît sa paix avec le roi de France : elle était devenue une gêne ; seule l’infante continuait à la combler de ses égards ; la reine commençait aussi à songer au retour en France, quand Monsieur reparut subitement à Bruxelles. Il n’avait signé le traité de Béziers que le couteau sur la gorge. Peu d’heures avant de mourir, Montmorency avait révélé le secret du mariage de Gaston et de Marguerite de Lorraine. Louis XIII