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étaient largement pourvues. La salle que nous venons de décrire, avec ses eaux abondantes, devait être un refuge charmant aux heures chaudes du jour. Tandis que le soleil d’août faisait rage au dehors, on était sûr de trouver toujours la fraîcheur au milieu de ces fontaines, entre ces murs de marbre et sous ces voûtes élevées. Il fallait, pour y arriver, traverser d’abord le petit euripe ; la vue seule de l’eau suffisait pour réjouir les yeux et donner une sensation de bien-être au corps épuisé par la chaleur. On était tout heureux d’entrer dans une atmosphère différente, et il semblait sans doute qu’on allait laisser de l’autre côté du pont de marbre la température accablante dont on avait souffert. Mais qu’allait-on faire dans cette belle salle ? Il est difficile de le savoir précisément. Peut-être était-ce simplement un lieu de repos où l’on venait causer, à l’aise et au frais. Peut-être le voisinage du Lycée, des bibliothèques, du Pœcile, de tous ces lieux réservés à l’étude et aux loisirs savans, doit-il nous faire penser qu’on s’y occupait de sciences et de lettres. N’est-ce pas en cet endroit charmant, où l’art semble avoir épuisé toutes ses ressources, que. l’empereur communiquait aux beaux esprits de sa cour les vers qu’il composait avec tant d’effort sur des sujets futiles ? Ce lieu paraît fait à merveille pour la littérature délicate et maniérée de ce temps. Rappelons-nous la petite pièce intitulée la Veillée de Vénus (Pervigilium Veneris), qui est le chef-d’œuvre de cette poésie précieuse ; il me semble que nulle part on ne serait mieux pour goûter ces jolis vers, nulle part on ne trouverait plus de plaisir à les entendre que dans cette élégante salle, au milieu de toutes les richesses d’un art raffiné, à côté de cet euripe qui circule sans bruit dans son lit de marbre, et au murmure de l’eau qui tombe discrètement des fontaines.

Nous avons fini d’étudier ce groupe de ruines où M. Daumet a cru retrouver le Lycée et le Prytanée, et qui certainement contenait les appartemens officiels de l’empereur. C’était, avec son habitation privée, la partie essentielle et indispensable de la villa. Le reste se composait surtout des bâtimens que la fantaisie du maître fit ajouter à sa maison de campagne, quand il voulut y retrouver les souvenirs de ses voyages. Quelques-uns sont assez bien conservés pour qu’on puisse en reconnaître la destination, et, quoiqu’ils ne doivent leur naissance qu’à un caprice douteux d’artiste et de grand seigneur, ils n’offrent pas au visiteur moins d’intérêt que les autres.

Lorsqu’on a quitté la salle que nous venons de décrire et qu’après avoir repassé l’euripe on se dirige vers le sud, on arrive bientôt à une vaste esplanade où l’on a corrigé les inégalités du sol par des substructions considérables. Afin que rien ne fût perdu, l’architecte bâti, selon l’usage, dans les substructions mêmes plusieurs étages de logemens, de grandeur et de forme différentes, qu’on