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ESSAIS ET NOTICES.

I. Les Harangues de Démosthène, texte grec avec commentaire, introduction et notices, par M. Henri "Weil, correspondant de l’Institut, doyen de la faculté des lettres de Besançon. Paris, 1873. — II. Les Plaidoyers politiques de Démosthène, première série : Leptine, Midias, Ambassade, Couronne, par le même. Paris, 1877. Hachette.


Comprendre Démosthène, c’est-à-dire comprendre la plus belle éloquence qui ait existé, il n’y a guère dans l’étude des lettres de meilleur ni de plus difficile emploi de l’intelligence. Les deux volumes de M. Weil nous y aideront beaucoup. La Revue a déjà offert à ses lecteurs la première partie d’un travail historique et littéraire où le grand orateur, suivi dans tout le cours de sa carrière, nous est surtout montré dans la société civile et politique où il a vécu. C’est le premier ouvrage français qui, par la sûreté de la science et la valeur des appréciations, s’annonce comme digne d’un tel sujet. M. George Perrot a entrepris sous une forme plus accessible à la majorité du public, et poussé déjà beaucoup plus loin une grande étude sur les orateurs attiques, analogue à celle qui occupe en même temps M. Blass, professeur à l’université de Kiel, et que ce savant a très heureusement conduite jusqu’à Isée. Mais jamais aucun travail de critique littéraire, quelle qu’en soit la valeur, ne dispensera de secours d’un autre genre celui qui voudra se rendre compte par lui-même de l’éloquence de Démosthène. C’est par le détail, en pareil cas, qu’on doit procéder. Dans chacune des œuvres oratoires que nous a laissées ce maître de la parole antique, qu’a-t-il voulu et qu’a-t-il pu faire ? voilà ce qu’il faudrait bien savoir avant de porter soi-même un jugement. Étudier attentivement le texte, reconnaître à travers les obscurités de l’histoire le point juste de chaque situation, se démêler au milieu des variations journalières de la politique dans une période pleine de troubles et de brusques changemens, voir nettement l’état des partis et la position personnelle de l’orateur, les influences ou les susceptibilités qu’il lui faut ménager, ce qu’il peut dire et ce qu’il doit taire, deviner les argumens d’un adversaire ou d’un contradicteur absent : voilà quels seraient les élémens d’une appréciation judicieuse qui ne voudrait ni admirer, ni critiquer au hasard. Si M. Weil nous donnait tout cela, il nous rendrait un inappréciable service : il ne nous donne pas tout, ce qui est absolument impossible ; mais il sous donné beaucoup, et tous les amis des lettres anciennes lui en doivent une vraie reconnaissance.

D’abord il leur offre un texte. Son travail ajoute deux volumes à la grande et utile collection des Classiques grecs et latins publiés par la maison Hachette, Ces deux volumes compteront sans contredit parmi les