voir. Il a tout simplement tenu à faire bonne contenance jusqu’au bout, et probablement aussi il a voulu laisser à M. le président de la république le temps de réfléchir, de s’accoutumer aux circonstances nouvelles, de s’entourer de conseils. Des consultations, des échanges d’impressions, des entrevues avec M. le président du sénat, avec d’autres hommes politiques, il y en a eu à l’Elysée, c’est évident ; quant à une combinaison sérieuse destinée à dégager la situation, elle semble encore à découvrir, et, à vrai dire, c’est là, c’est dans la réalisation pratique d’une idée nécessaire, qu’est maintenant la difficulté. Quel est le ministère possible dans les conditions tourmentées et compliquées qui nous ont été faites, au lendemain de tant de défis échangés, au milieu de tant d’irritations mal apaisées et de prétentions extrêmes qui ne désarment-pas encore ? voilà la question !
Évidemment, c’est avancer fort peu les choses, c’est plutôt les aggraver que de parler sans cesse du régime parlementaire sans rien préciser, d’invoquer la majorité qui vient de rentrer dans la chambre des députés, sans s’occuper du sénat, d’élever des exigences qu’on saurait inacceptables ou destinées à n’être point acceptées, et d’ajouter à tout cela des récriminations, des défiances propres à achever la confusion. Il faut en prendre son parti : nous ne vivons pas dans l’indéfini ou dans la région des fantaisies, nous sommes dans une situation prodigieusement difficile, et dans un cadre constitutionnel où trois pouvoirs, qui ont eu quelques mauvaises querelles, ont à renouer une certaine alliance au nom de l’intérêt public. Il ne s’agit pas de faire de la victoire des uns l’humiliation des autres, ni même de réaliser tout ce qu’on voudrait ; il s’agit d’apaiser et d’arriver à un résultat pratique. Le problème consiste à s’établir sans subterfuge, sans arrière-pensée sur le terrain constitutionnel et à former un cabinet qui, accepté par M. le maréchal de Mac-Mahon et appuyé par le sénat, ait au moins la chance d’obtenir un crédit suffisant dans la chambre des députés, ne fût-ce qu’en considération des circonstances. Si un cabinet de ce genre est possible, la formation en est naturellement indiquée : il doit se composer de sénateurs constitutionnels et de membres du centre gauche des deux assemblées, dont quelques-uns sont désignés par les positions qu’ils ont déjà occupées au pouvoir. Un tel ministère aurait l’avantage de ne pas même laisser un doute sur l’inviolabilité de la république, d’offrir à la chambre des députés une garantie contre toute dissolution nouvelle, et de rallier de plus en plus le sénat à une politique modérée, libérale, en rassurant le chef de l’état lui-même sur les intérêts conservateurs dont il se préoccupe, sans être, à la vérité, le seul à s’en préoccuper. Cette tentative vaut au moins d’être faite, et si les hommes qui accepteraient cette mission se présentaient résolument, franchement devant les chambres, s’adressant à la raison et au patriotisme des assemblées, faisant sentir