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Il a renouvelé cette assurance au milieu des plus ardentes vivacités de la lutte. Il l’avait déclaré dès l’origine d’une manière expresse : « La France veut comme moi maintenir intactes les institutions qui nous régissent. »

M. le président de la république s’est mépris sans doute dans la marche qu’il a suivie depuis cinq mois ; il s’est laissé entraîner à couvrir de son nom bien des paroles imprudentes et compromettantes ; il a cru trop aisément à la nécessité et à l’efficacité d’une intervention personnelle qui risquait de déplacer les responsabilités, et il a eu, si l’on veut, l’illusion de sa politique. Il ne faut cependant rien exagérer. Lorsque M. le maréchal de Mac-Mahon déclarait qu’il ne saurait « obéir aux sommations de la démagogie, » qu’il ne se ferait pas « l’instrument du radicalisme, » il ne se plaçait pas en dehors de la constitution, et il ne laissait pas entrevoir la pensée de méconnaître de propos délibéré la puissance des manifestations régulières, légales, du suffrage universel. Il n’a pas dit, comme on le lui a souvent attribué, qu’un moment pourrait venir où il gouvernerait seul, avec le sénat, contre la chambre ; il a dit, ce qui est bien différent, qu’il resterait pour « défendre avec le sénat les intérêts conservateurs. » C’est la fatalité des alliances que le gouvernement a cru devoir contracter ou subir, avec lesquelles il est allé au combat : ces alliances ont rendu suspect tout ce qui venait du 16 mai, même les discours. M. le président de la république en a été la première victime, lorsque dans sa conduite générale depuis que la France a une constitution nouvelle, surtout dans son caractère, rien ne laisse supposer des préméditations menaçantes contre les lois, contre les institutions. Même encore aujourd’hui on parle de coups d’état, comme pour se donner des émotions, et on n’y croit pas. C’est là précisément ce qui rend plus facile ou, si l’on veut, moins impossible, une transaction devenue nécessaire, utile à tout le monde, au pays, au parlement, à M. le président de la république lui-même, ne fût-ce que pour sortir d’une situation inextricable.

Ce qui est assurément compromis de toute manière, ce qui ne saurait survivre à la crise que nous traversons, c’est le ministère. La politique du 16 mai, dont il reste le représentant officiel et responsable, est épuisée, elle arrive au bout de son étape ; elle met son dernier feu dans les élections des conseils généraux qui vont se faire le 4 novembre, qui peuvent avoir quelque influence sur le renouvellement sénatorial de l’année prochaine. Le ministère a-t-il eu un seul instant la pensée d’aller au-delà du 4 novembre, de se présenter devant les chambres qui se réunissent trois jours après ? Il a pu par point d’honneur, par une sorte d’obligation morale, offrir d’aller défendre devant le parlement ses œuvres, ses élections, sa politique. Au fond la réserve qu’il a gardée jusqu’ici, dont il s’enveloppe, ne paraît pas cacher l’idée de rester au pou-