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que mettaient en action les corporations germaniques. Tout cela était donc bien dégénéré au temps de la réforme, si jamais la réalité avait répondu aux imaginations littéraires, car précisément au XVIe siècle, et surtout dans les universités protestantes, la depositio avait donné lieu à un despotisme et à des brutalités intolérables qu’il avait fallu réprimer. On ne voit paraître cette coutume en Suède que lors du rétablissement de l’université, à la fin du XVIe siècle ; il faut bien qu’elle ait produit là aussi quelques abus, puisque les statuts du 27 juillet 1655 s’élèvent déjà contre ce qu’ils appellent exagitationes scurriles et vexationes, et que ceux de novembre 1691, sous le roi Charles XI, l’interdisent absolument, ce qui ne l’empêchait pas de reparaître pendant le XVIIIe siècle, sans les excès de l’époque précédente. Le voyageur La Motraye, un des critiques de Voltaire, nous a laissé le récit de celle dont il fut témoin à Upsal en 1716. C’est seulement à titre de curiosités que l’on conserve aujourd’hui dans un des musées d’Upsal les instrumens ayant servi aux dernières dépositions ; mais ces fêtes qui ont amusé tant de générations vivent dans les souvenirs traditionnels de l’université.

Les statuts s’étaient modifiés en même temps que la coutume ; lorsque, sous l’influence de la raison moderne, l’esprit public rompait avec la naïve gaité du moyen âge, la loi universitaire renonçait à soutenir de vaines formes dont l’antique sens était perdu. On la voit par contre adopter et protéger toujours davantage une autre institution scolaire qui a grandi avec les mœurs : nous voulons parler de la division des étudians en provinces ou nations, devenue de nos jours une garantie d’autonomie et de discipline.

L’université de Paris possédait déjà au XIIe siècle ses fameuses quatre nations, mais celles d’Upsal ne se montrent qu’au milieu du XVIIe siècle ; avant cette époque elles se groupent lentement, non sans exciter beaucoup de défiance ou même d’opposition. Formées d’abord dans une vue d’association de secours, ou bien pour resserrer les liens de parenté ou d’amitié dans l’abandon d’une grande ville, ces petites sociétés se donnent bientôt elles-mêmes un gouvernement intérieur, de sorte qu’elles menacent de devenir pour l’université une cause permanente d’anarchie si elles continuent d’échapper à l’administration centrale. On peut suivre par une série de témoignages les progrès du bienfaisant accord qui finit par s’établir. Nulle trace de nation avant 1630 ; alors seulement on voit commencer celle de Westmanland ; celles d’Ostrogothie, de Stockholm et de Norrland paraissent en 1640, et vers le même temps aussi celles qui ont formé, en se réunissant plus tard, la nation d’Upland. En 1654 et 1655, les protocoles du consistoire académique ne montrent qu’hostilité de la part des autorités universitaires à l’égard des conventicula nationalia. Les étudians, est-il dit,