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monter aux élus les degrés de la chaire pour signifier qu’ils ont à partir de ce jour le droit d’enseigner. L’ancien bonnet de docteur faisait allusion à la cérémonie d’affranchissement dans l’ancienne Rome ; il était rouge, pour rappeler l’antique pourpre sénatoriale, ou parce que cette couleur, trahissant par son éclat toutes les taches, ne devait convenir qu’à une vertu immaculée. Le chapeau paraît avoir été le signe de la majorité, peut-être de la supériorité de classe dans les vieilles coutumes germaniques. La couronne de laurier s’explique d’elle-même. L’anneau passé au doigt signifie le chaste mariage avec Sophia, la sagesse ; il est d’or, pour rappeler le haut prix de la dignité doctorale ; il est rond, pour marquer la perfection de la science. Un usage aboli seulement il y a une vingtaine d’années était de placer sur la chaire quelque vieux livre couvert de poussière : on l’ouvrait, puis on le jetait après l’avoir fermé, pour faire entendre que le docteur en avait fini avec les études premières, qu’il lui fallait maintenant penser par lui-même ou bien ouvrir d’autres livres que ceux du candidat et du disciple.

Après chaque promotion l’hymne reprenait, avec des expressions spéciales pour chacune. La Jurisprudence entend la voix du Seigneur sur le mont Sinaï ; la Médecine montre aux générations le serpent d’airain ; la Philosophie suit la colonne de feu, « la nuée tissée d’idéal que l’esprit du Seigneur habite. »

Ce qui rend vraiment solennelle et d’une particulière beauté la fête universitaire des promotions, telle qu’on la célèbre dans le nord, ce n’est pas seulement cette assistance, l’aspect de l’antique cathédrale, le bruit du canon, la musique et les chants, c’est que beaucoup de ces docteurs sont des hommes éminens dont la patrie est fière, soit à cause de leur science, soit pour d’autres services éclatans. Quelques-uns sont des vieillards respectés qui ont occupé les premières charges de l’université, de l’église ou de l’état. Trois sortes de docteurs viennent en effet de passer devant nos yeux : d’abord les docteurs jubilaires, c’est-à-dire ceux qui ont été déjà promus il y a cinquante années ou plus ; ils sont deux cette fois, deux théologiens renommés, âgés chacun de près de quatre-vingt-dix ans. Sur les cheveux blancs de ces pasteurs au costume et au visage sévères, la couronne de laurier ne manque pas d’un certain aspect sculptural ; on se souvient des médailles de la renaissance, de Pétrarque couronné au Capitole. Il y a eu ensuite les docteurs honoris causa : chacune des facultés dites profanes, c’est-à-dire autres que la faculté de théologie, peut, avec la permission du roi, décerner la dignité de docteur à des hommes distingués par leurs travaux scientifiques ou par leurs services de tout genre, sans qu’aucune différente condition leur soit demandée à l’avance. C’est ainsi que nous avons vu couronner du laurier académique M. Oscar