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certes qu’on puisse comparer Messenius au grand poète : il n’y a, quant à l’imagination et quant au talent, rien de commun ; mais tous deux ont eu la pensée de mettre en œuvre les souvenirs historiques et les légendes de leur patrie. Messenius n’a pas imité Shakspeare, dont les drames, composés seulement pour la représentation, n’ont été rassemblés et imprimés que vers 1623, et auraient été difficilement connus avant cette date en dehors de l’Angleterre. Il faut lui reconnaître le mérite d’avoir conçu la pensée d’un théâtre national, en se rendant l’organe de la conscience publique, telle que l’avait faite dans les divers pays le progrès de son temps. En Angleterre, cette sorte de drame historique est éclos au moment glorieux du triomphe sur l’invincible armada ; en Espagne, il est né avec Jean de la Cueva, un peu plus tôt, c’est-à-dire aussi dans un moment de toute-puissance et de grandeur : il a fleuri en Hollande quand le pays est parvenu à s’affranchir de la domination espagnole ; quoi d’étonnant qu’il se montre en Suède dans le temps où ce royaume, délivré des guerres qui ont suivi l’Union de Calmar, uni sous le sceptre des Vasa, voit s’ouvrir devant lui toute une brillante carrière ?

Du second des Rüdbeck, le grand Olof, on peut dire qu’il a porté jusqu’aux nues, selon ses contemporains émerveillés, la gloire de l’université d’Upsal et de la Suède. C’est lui dont les conquêtes, comme on disait, étaient admirées à l’égal de celles de Gustave Adolphe. Il avait commencé par enseigner la physiologie, et, plus hardi que ses prédécesseurs, il invitait souvent, malgré les préjugés encore contraires, le « macrocosme à venir voir disséquer le microcosme. » Il avait ensuite enseigné la botanique, et, laissant après lui dans chaque voie une trace féconde, il avait doté Upsal d’un musée d’anatomie, d’un jardin pour l’étude des plantes, d’un immense herbier ; il préparait en même temps ses Campi Elysii, vaste recueil où il faisait connaître beaucoup de plantes et de fleurs jusque-là inconnues dans le nord. Cartésien déclaré, il apportait dans ses enseignemens la même ferveur encyclopédique, la même fougue qui emportait alors quelques-uns des plus vigoureux esprits ; mais sa grande œuvre, celle qui, avec une singulière exagération non dépourvue de grandeur, résume toutes les aspirations nationales, toutes les ambitions scientifiques, toutes les ardeurs qui s’agitaient autour de lui, c’est la fameuse Atlantica. On en connaît la thèse : cette célèbre terre des Atlantes, de laquelle Platon nous a conservé le souvenir, et dont le législateur Solon entretenait les prêtres égyptiens, cette île au doux climat, aux fruits dorés, au ciel radieux, dont le puissant peuple, heureux et éclairé entre tous, avait envahi l’Afrique et l’Europe, et n’avait été arrêté que par les Athéniens dans le cours de ses conquêtes, ce vaste