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Hoffvenius le cartésien osa soutenir dans sa chaire et dans ses écrits que la médecine et la physique devaient être enseignées sans le secours inutile de formules barbares ou de pédantesques syllogismes. Il prétendit que nul ne pouvait être médecin sans avoir étudié la chimie, la botanique et l’anatomie. Il déclara qu’il n’y avait pas de vide dans la nature. Il raconta qu’il avait observé de ses propres yeux, sur un cerveau d’animal vivant, l’âme embusquée dans la fameuse glande pinéale comme une araignée au milieu de sa toile, et de là se remuant et s’agitant sans cesse. De telles hardiesses ne pouvaient rester impunies ; Hoffvenius fut traduit devant le consistoire académique comme dangereux novateur, hérétique en philosophie et en théologie. De longs et violens débats s’ensuivirent, jusqu’à ce que le célèbre Magnus de la Gardie, chancelier de l’université, fut appelé pour y mettre un terme. Il décida sagement qu’il fallait laisser au jugement de l’avenir l’appréciation de la nouvelle philosophie, et il invita les parties à ne porter atteinte ni aux intérêts de l’université, qui étaient ceux de la liberté intellectuelle, ni à la tranquillité de l’église, qui était aussi, disait-il, une chose précieuse à sauvegarder.

Messenius et les Rudbeck, voilà les vrais représentans des ardens esprits qui, pendant le XVIIe siècle, agitèrent l’université d’Upsal et tout le nord ; leur enflure et leur exagération étaient peut-être nécessaires pour leur permettre d’entraîner le grand nombre des esprits vers les voies nouvelles. Comme les savans italiens de la renaissance, qui prétendaient disserter sur tous sujets et de quibusdam aliis, comme les artistes du XVIe siècle, qui pratiquaient tous les arts à la fois, ces professeurs voulaient tout enseigner, réaction violente sans doute, mais intelligente dans son principe : après que la science avait péniblement végété, enfermée dans les étroites catégories de la scolastique, ils apercevaient, eux, la solidarité des divers ordres de connaissances humaines, et la synthèse encyclopédique qu’ils rêvaient devait être la naturelle préparation de l’analyse moderne. Il faut entendre Messenius, le premier professeur de la faculté de droit à Upsal, énumérer ses différens travaux. Il se vante de donner par jour, en même temps qu’il écrit ses livres, jusqu’à six leçons de différente nature. En cinq ans il a publié seize volumes, sans pour cela cesser d’enseigner six ou sept heures par jour ; il prépare, outre ce qu’il a déjà donné, une chronique ecclésiastique et politique de Suède, un catalogue des principales généalogies suédoises, un recueil des vieux chants nationaux ; on a de lui en réalité une vingtaine d’ouvrages, sans compter la Scondia illustrata, qui se compose à elle seule de vingt volumes in-folio. Historien, légiste, poète, orateur disert et fécond, il voulait la foule