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sein maternel sa première nourriture : ainsi le premier aliment de la vie pour un peuple est l’amour instinctif du sol natal. — L’enfant recueille avec avidité des lèvres de sa mère les merveilles des légendes, et les premières annales se composent aussi des brillantes traditions héroïques. — L’adolescent rencontre dans l’école des connaissances plus exactes, mieux faites que les légendes pour former son esprit, et de même une prompte expérience, écartant peu à peu le voile des fictions, grave bientôt des runes plus précises sur le livre des destinées nationales. — Le jeune homme aborde le monde ; s’il est assez heureux pour recevoir la culture supérieure, il achève le développement de son intelligence. Un peuple aussi grandit dans la possession consciente de son activité morale. — La Suède en était là précisément quand, elle comprit, éclairée par son progrès même, qu’il lui manquait, pour aller plus avant, le secours d’une forte université. Elle en avait depuis longtemps fini avec les mythes, les mœurs s’étaient adoucies, la terre avait été défrichée, le royaume venait de recevoir pour la première fois une législation commune ; la nation commençait à sentir son identité et son unité. — Ce qu’était devenue pour le pays cette université une fois fondée, les noms de ses anciens professeurs, désormais célèbres, le disaient assez haut ; le roi se plaisait à son tour à proclamer la reconnaissance publique, et il trouvait dans la grandeur des souvenirs les présages heureux des succès futurs.

Le plus sincère et le plus bel hommage n’est-il pas en effet de dire par quels travaux, par quels services rendus à la science, par quels hommes célèbres la plus importante école du nord a marqué sa trace, et quelle part elle a prise soit au progrès général de la civilisation, soit au développement particulier de la Suède ? N’est-ce pas là sa vraie couronne ? L’ouvrage de M. Annerstedt, qui ne va encore que jusqu’au milieu du XVIIe siècle, nous instruit en détail de la première partie de ce vaste sujet, dont nous ne voulons d’ailleurs recueillir et signaler que ce qui suffit au témoignage des plus honorables souvenirs.


II

Les plus anciennes traditions universitaires sont communes entre la France et la Scandinavie. Dès le XIe siècle, on voit les peuples du nord envoyer de courageux étudians à nos écoles parisiennes. Sæmund le Sage, un des plus savans Islandais du moyen âge, celui qui rédigea peut-être le recueil de l’ancienne Edda et la belle saga de Nial, y vint des premiers, et en emporta le renom de magicien, tant la réputation de ces écoles avait frappé les esprits. On racontait au loin qu’il y avait à Paris un grand enseignement