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Un autre deuil, nous le disions plus haut, avait profondément ému le conseiller de la reine Victoria pendant cette sombre période de 1850. Il y avait plus de deux ans que la reine des Belges, frappée au cœur d’un mal sans remède, s’acheminait lentement vers la tombe. La révolution de février l’avait blessée à mort. Cette catastrophe soudaine, ces nouvelles désolantes, les angoisses de l’incertitude, un père, une mère, des frères, des sœurs, toute une famille royale, de l’aïeul aux petits-enfans, exposée à tant de périls, — que d’angoisses pour la fille du roi Louis-Philippe et de la reine Amélie ! toutes ces émotions la brisèrent ; elle ne se relevait par instans que pour tomber plus bas. Ces alternatives de reprises et de rechutes durèrent assez longtemps pour entretenir quelques illusions. Lorsque le roi son père mourut à Claremont le 26 août 1850, ce lui fut une nouvelle et terrible secousse. Cependant, malgré de graves symptômes, l’affection s’obstinait à espérer. La reine Louise avait à peine trente-deux ans ; est-ce que la vie à cet âge n’a pas encore bien des ressources ? On croyait, on s’efforçait de croire que la malade souffrait seulement d’une faiblesse générale, que l’air vivifiant de la mer lui rendrait la santé. Le 5 septembre 1850, la famille royale de Belgique alla s’installer à Ostende. C’était trop tard, hélas ! le mal meurtrier achevait son œuvre, il n’y avait plus qu’un reste de flamme à dissiper. On fut bien obligé de reconnaître que tout espoir était perdu. Les augustes exilés de Claremont et de Twickenham, presqu’au lendemain du coup qui venait de les frapper tous, accoururent auprès de la mourante. La reine Marie-Amélie, la princesse Clémentine, la duchesse d’Orléans, le duc de Nemours, le prince de Joinville, le duc d’Aumale, le duc de Saxe-Cobourg, entourant ce lit de douleur avec le roi Léopold et les enfans, purent donner à la belle âme prête à partir les consolations des derniers jours, la bénédiction de la dernière heure. Le vendredi 11 octobre, à huit heures dix minutes du matin, après une agonie qui avait duré un peu plus de quatre heures, la bonne reine Louise s’éteignit. Elle tenait la main du roi ; sa mère était à ses côtés, ses enfans, ses frères, ses sœurs, à genoux autour du lit, pleuraient et priaient.

On a tout dit sur la vie et la mort de la reine Louise. Le deuil spontané du pays a parlé assez haut. Lorsque le cortège funèbre, parti d’Ostende le 14 octobre au matin, s’achemina lentement vers Bruxelles, partout, des villes et des campagnes, la foule respectueuse s’empressait sur son passage. Quelques jours après, dans l’église des Saints-Michel et Gudule, l’orateur sacré chargé de prononcer l’oraison funèbre de la reine pouvait dire en toute exactitude : « Dieu a voulu la voir mourir à l’extrémité du royaume, afin que, portée à travers nos provinces comme sur les bras des populations jusqu’au tombeau qu’elle avait choisi, elle imprimât en