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des communes. C’est demain que le vote doit avoir lieu, et le public est excité jusqu’au délire par la polémique des journaux.

« Notre ami est cruellement regretté en des momens comme celui-ci. Je vous en prie, si vous pouvez venir, venez. Nous avons besoin de vous. »


Ces difficultés qui tourmentaient si fort le prince Albert comme président de la commission furent heureusement écartées. Le vote dont il parle eut lieu le 4 juillet dans le sens qu’il désirait, et il paraît bien que, si l’opposition fut battue par une majorité considérable, ce fut une victoire suprême de sir Robert Peel. On savait quelle cause devait soutenir le grand homme d’état ; c’est à lui qu’une bonne partie des opposans rendit les armes. Quant aux débats sur Palmerston, et à ce discours admirable que sir Robert avait prononcé la veille de sa mort, il s’agit de cette grande controverse dans laquelle lord Palmerston eut à défendre sa politique étrangère contre des hommes de tous les partis, contre des tories, des whigs, des radicaux, contre M. Disraeli et M. Gladstone, contre sir Robert Peel et sir William Molesworth. Ce débat, par les merveilles d’éloquence qui s’y produisirent de part et d’autre, surtout par la dignité, par la mesure, par les scrupules patriotiques dont il fut le triomphe, est un de ceux qui ont fait le plus d’honneur à la tribune anglaise. Entrer plus avant dans le récit de cette affaire, ce serait nous éloigner de notre sujet ; on nous pardonnera pourtant d’avoir signalé en quelques mots le caractère glorieux d’un tel épisode. Sans cela, comment comprendre les lettres que le prince Albert écrit à Stockmar au lendemain de la mort de Robert Peel ? On vient de lire ce qu’il lui mande le 3 juillet 1850 : « Les débats sur Palmerston avaient duré la nuit précédente jusqu’à cinq heures du matin et Peel avait prononcé un discours admirable. Maintenant le voilà mort… » trois semaines plus tard, répondant à une lettre de Stockmar, qui lui a communiqué ses impressions au sujet de ce grand deuil, il revient en ces termes sur le dernier discours de sir Robert :


« J’ai reçu votre lettre sur Peel et sur[1]. Pour le premier, ce que j’ai dit à Victoria immédiatement après la mort était déduit du même

  1. M. Théodore Martin, à qui nous empruntons ces curieux détails, a laissé en blanc le nom du second personnage. Il est permis de penser qu’il s’agit de lord Palmerston, l’acteur le plus en vue dans ce grand débat, Stockmar s’était exprimé probablement sur le chef du foreign office avec moins de courtoisie que ne l’avait fait Robert Peel. Je m’imagine que le savant biographe du prince Albert aura trouvé les vivacités de Stockmar un peu compromettantes pour son auguste correspondant. — Voyez the Life of his royal highness the prince consort, by Théodore Martin, tome II, p. 296. Londres, 1876.