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notre droite était enlevé d’assaut, plusieurs canons tombaient entre nos mains, 600 cadavres gisaient sur le terrain. Mais la chaleur était accablante ; mes hommes, qui marchaient et combattaient depuis trois heures du matin, n’en pouvaient plus, et je dus renoncer à continuer l’attaque d’un second fort dans lequel une partie des Cochinchinois avait trouvé un abri et que je n’avais pas d’artillerie pour combattre. Après avoir fait prendre quelques heures de repos à mes troupes sur les positions conquises, démantelé le fort pris, brûlé les poudres et les affûts, mis hors de service les canons que nous ne pouvions emporter, je regagnai, sans être inquiété, le point d’où j’étais parti.

A la suite de cette affaire, le vice-roi de la province chercha à se mettre en communication avec moi, et fut amené à conclure un armistice verbal qui nous était des plus avantageux, car il faisait cesser toute espèce d’hostilité, nous assurait des vivres en abondance, nous permettait de nous établie dans un rayon assez étendu, et même plus tard d’admettre des navires de commerce qui venaient prendre à Saïgon des chargemens de riz en nous payant, un droit de tonnage. Cet armistice existait encore quand j’ai quitté la colonie, un an après, pour aller en Chine, et j’ignore comment et dans quelles circonstances il a été rompu par mon successeur, le capitaine de vaisseau d’Aries.

Ces renseignemens très succincts, car j’omets, une foule de détails, prouvent que je n’ai pas abandonné la garnison de Saïgon, et que l’attaque, dirigée contre l’armée cochinchinoise campée à Ki-hoa a atteint, le but proposé.


Nous reconnaissons que M. Jauréguiberry n’était pas commandant, de la Marne et qu’il n’a pas eu à quitter Saïgon avec le bataillon que ce bâtiment avait amené ; mais nous différons sur la portée qu’il accorde à son coup de main contre les Annamites. Il avait pour but de débloquer Saïgon, que l’ennemi serrait de près ; il n’y a pas réussi, puisqu’il ai dû laisser les soldats de Tu-Duc établis dans un fort qu’il n’a pas eu les moyens de prendre, et que ces soldats finirent par tracer autour de Saïgon une ligne d’investissement qui ne laissait plus la garnison respirer. Il fallut plus tard que l’amiral Charner intervint avec des forces considérables pour rompre leurs travaux de défense et les chasser. Quant à l’armistice, la Revue maritime, recueil autorisé et très bien informé, dit que c’est à la suite de brillans succès obtenus par l’amiral Rigault à Tourane, dans les premiers jours du mois de mai suivant, que des pourparlers furent engagés avec le gouvernement de Hué. Comme ils n’aboutissaient pas, les hostilités furent reprises au mois de septembre 1859. L’erreur ne porte donc que sur un détail matériel ; quant aux faits de guerre et à leur appréciation nous n’avons rien à y changer.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.