Après avoir rompu le colloque d’Egra,
Procope le tondu, le chef des Taborites,
Relevait l’étendard des doctrines proscrites
Que Jean Huss proclama du haut de son bûcher,
Et contre l’Empereur s’apprêtait à marcher.
Et Thécla savait bien que, si son monastère
Se trouvait sur les pas de l’horrible sectaire,
Il l’anéantirait par la flamme et le fer
Et n’épargnerait point ces béguines d’enfer
Qui relevaient du pape, ainsi que leur abbesse,
Et qui communiaient sous une seule espèce.
Sauve qui peut ! Le cri de terreur est jeté.
L’Eger roule à présent un flot ensanglanté
Où des cadavres nus s’en vont à la dérive.
Car Procope a quitté Tabor ! Procope arrive !
Au rappel de l’affreux tambour qu’on fabriqua
Avec la rude peau du borgne Jean Ziska,
Tous sont venus, Saxons, Bohèmes et Moraves.
Procope arrive ! Il marche, avec vingt mille braves,
Trente canons de siège et deux cents chariots,
Sur Fritz le Querelleur et ses Impériaux.
S’il rencontre un couvent, il le brûle, et massacre
Quiconque est tonsuré, moine, abbé, clerc ou diacre.
Il est pieux, austère, impassible, inhumain,
Atroce ; il a toujours l’Évangile à la main.
Parmi des flots de sang et des torrens de larmes,
Il passe. Ses soldats, dans un couvent de carmes,
Ont pris ces malheureux, leur ont coupé les pieds,
Puis, monstrueux bourreaux, sur ces estropiés
Frappant tous à grands coups de gaule et de lanière,
Les ont martyrisés d’une telle manière
Qu’ils les ont fait courir sur leurs moignons sanglans.
Aussi, par les chemins, pauvres fuyards tremblans,
Portant leurs vases d’or et leurs saintes reliques,
On ne rencontre plus que prêtres catholiques
Qui demandent asile et de qui nul ne veut.
Car Procope est en route, il vient ! Sauve qui peut !
Mais plus se rapprochait la sanguinaire armée
Et moins Thécla semblait avoir l’âme alarmée ;
Elle était sans terreur, comme un ancien martyr ;
Et, quand un paysan vint, un soir, l’avertir
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