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encore, elles n’ont pris les armes qu’après que tout le pays était en feu autour d’elles, Dans le seul royaume de Valence, les bandes armées ont compté jusqu’à 20,000 hommes, et en Catalogne, 10,000 au moins, avec cette circonstance que là tous les carlistes étaient volontaires, tandis que dans les provinces un bon nombre avait été levé par la force. En même temps, la Castille envoyait à don Carlos une division entière, et l’Aragon plusieurs bataillons. Qui ne sait d’ailleurs que chaque ville de quelque importance, Madrid en tête, avait son comité carliste, que 54 députés carlistes siégèrent aux cortès de 1871, et que plus de 60 feuilles de cette opinion se publiaient dans la péninsule ? Non, la cause du soulèvement carliste n’est pas et n’a jamais été une simple question forale, limitée au territoire basque ; la véritable cause était bien autrement grave, religieuse autant que politique, commune à toute l’Espagne et l’on peut dire à toute l’Europe : c’était l’antagonisme toujours subsistant entre le passé et le présent, entre les traditions de l’ancien régime et les principes de la révolution ; légitimistes de France et catholiques d’Angleterre, les soutiens du parti absolutiste et ultramontain ne s’y sont point trompés. Quant à la part que peut avoir eue dans la dernière guerre le mot de fueros, elle retombe tout entière sur ceux qui ont trouvé bon de les prendre pour prétexte et de les faire servir à leurs fins personnelles. D’un autre côté, dans les trois provinces, le parti libéral n’est ni moins vaillant ni guère moins nombreux que le parti carliste ; que les campagnes de gré ou de force aient suivi la cause de don Carlos, la plupart des villes, même de troisième ordre, lui ont courageusement résisté. Or que serait-il arrivé, le sait-on, si la même bannière qui flottait à Estella, à Durango, à Tolosa, eût été arborée à Bilbao et à Vitoria, à Pampelune et à Saint-Sébastien, si tout le pays depuis la ligne de l’Èbre eût été fermé aux troupes du gouvernement, si elles n’avaient eu aucun point où se ravitailler et reformer leurs colonnes ? Et cependant, sans rien entendre, parce que le mouvement n’a pas été particulier au pays basque, parce que les provinces voisines, Santander, Saragosse, aujourd’hui les plus acharnées contre les fueros, n’ont pas été les moins promptes à se déclarer pour le prétendant, parce que le gouvernement central dans son incurie a négligé de prendre les mesures qui eussent pu étouffer en germe l’insurrection, parce que le pays basque a le plus pâti de cette guerre à laquelle des intrigans ou des ambitieux l’ont forcé de servir de théâtre, parce que les libéraux basques ont en grande partie décidé le triomphe des armées de Madrid, ce sont les seules provinces basques que l’on punira, et seules on les rendra responsables d’une faute commune à toutes ? En quoi cela est-il juste ? En quoi même l’abolition des fueros assure-t-elle la sécurité de l’Espagne, s’ils ne