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distinctes, donnant par exemple aux fueros municipaux le caractère général, et réciproquement, ou, mieux encore, brouillant ensemble les fueros respectifs des trois provinces : s’il y eut des suzerains et des vassaux en Alaya, on transporte en Vizcaye et en Guipuzcoa les mêmes divisions sociales ; si l’on trouve des traces d’alcabala en Alaya et en Guipuzcoa, on prétend que la Vizcaye paya aussi cet impôt. Ce sont là de pauvres chicanes. Assurément d’entre les fueros beaucoup sont tombés en désuétude, un plus grand nombre, avec ou sans l’assentiment des intéressés, ont été réformés ou même complètement supprimés : ainsi les lois relatives à la justice et à l’administration municipale, la liberté de commerce, le pase foral. Mais précisément, moins il leur en reste, plus les Basques s’attachent à les défendre, et ce n’est point, quoi qu’on dise, un vil intérêt qui les guide. Combien de fois ne se sont-ils pas dévoués déjà pour la défense de l’Espagne et de la monarchie ? Un décret royal, expédié le 18 avril 1595, dispense le señorio du paiement des frais de résidence au corrégidor et à ses lieutenans a en considération que la Vizcaye avait versé tant de sang sur terre et sur mer au service de sa majesté, que la majeure partie de ses habitans mâles étaient morts et qu’il y avait dans le señorio plus de dix mille veuves. » En 1642, sous Philippe IV, aux demandes qui lui étaient faites, la province d’Alava répondit que « dans les six dernières années elle avait donné 4,000 hommes et fait des frais immenses ; certains villages n’avaient plus que deux habitans en âge de porter les armes. » Quant au Guipuzcoa, ainsi qu’il appert des actes de la province relatifs à la première moitié du XVIIIe siècle, sur un espace de près de cinquante ans, elle n’a pas manqué, fût-ce une année, de fournir des hommes tant sur mer que sur terre, et dans des proportions vraiment fabuleuses, par rapport à sa population. Il serait difficile après cela de taxer les Basques d’égoïsme ou de lâcheté, et de fait, lorsqu’ils refusent de se soumettre à la loi commune, ils ne songent point à ménager leur sang ou leur argent. No por el huevo, sino por el fuero, dit un vieil adage du pays ; il ne s’agit pas tant de l’œuf que du fuero, ni de la chose que du principe ; ce qu’ils veulent, c’est rester maîtres d’eux-mêmes, c’est conserver la libre disposition de leurs actions, de leurs fortunes et de leur vie, c’est enfin sauvegarder cette indépendance dont les autres ont pu faire bon marché, mais qu’ils jugent eux-mêmes plus nécessaire à leur existence que l’air qu’ils respirent ou que le sol qui les nourrit.

Le réquisitoire de don Manuel Sanchez Silva n’avait pas été sans soulever dans une partie de l’auditoire de nombreuses interruptions ; quand il eut fini, deux des représentans les plus instruits et