Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/928

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

insolente rivale, ainsi depuis plus de trente ans M. Sanchez Silva n’a jamais pris la parole sans prononcer, lui aussi, son delenda est Carthago, il faut détruire les fueros ! Pourtant en nulle occasion il ne montra plus de talent et d’énergie que dans la session du sénat de 1864. La discussion commença à propos d’un amendement à certain article qui établissait dans le remboursement du tiers des subventions affectées aux chemins de fer une distinction pour les provinces basques. Reprenant ou résumant tous les argumens de Llorente et de la junte des abus, en ajoutant de nouveaux, commentant les textes, retournant les mots, tour à tour ironique, insinuant, passionné, durant trois longues séances consécutives il occupa l’attention du sénat. Son triple discours ne tendait à rien moins qu’à prouver que le livré intitulé Fuero de Vizcaye est faux, que celui de Guipuzcoa est mutilé, que celui d’Alava contient un ensemble de privilèges qui n’est pas de la province et qu’en outre il est frauduleusement copié de l’original, que la Vizcaye n’a jamais élu son seigneur, que l’AIava et le Guipuzcoa ont été conquis par Alphonse VIII, qu’il ne peut y avoir eu pacte entre ces provinces et les rois de Castille, que les Basques n’ont jamais été tous nobles, comme ils le prétendent, qu’ils n’étaient dispensés en aucun cas du service militaire, que les exemptions d’impôts consignées dans les trois recueils se rapportent aux hidalgos seulement, comme il arrivait dans toute l’Espagne, que la plupart des lois qu’ils contiennent sont tombées en désuétude, qu’enfin aujourd’hui on ignore en quoi consistent légalement les fueros d’Alava, de Guipuzcoa et de Vizcaye.

L’attaque était vigoureuse, les noms de justice et de droit spécieusement retournés contre ceux mêmes dont ils font la principale défense. Le malheur est qu’à vouloir trop prouver on ne prouve rien. Ainsi en ce qui touche l’authenticité des fueros, il semble bien difficile d’admettre que des monarques aussi puissans, aussi jaloux de leur autorité que l’étaient don Pèdre le Justicier, Charles-Quint et Philippe II aient poussé la négligence ou la longanimité jusqu’à jurer et signer de confiance, comme le prétend M. Sanchez Silva, les recueils falsifiés qu’on leur soumettait. En l’admettant, est-il possible que leurs ministres et leurs conseillers, le conseil de Castille lui-même, cette assemblée composée des jurisconsultes les plus sages et les plus instruits du royaume, se soient laissé prendre au même piège aussi grossier ? D’autre part, nous l’avons dit, aucun des recueils de fueros n’est complet, et tous trois présentent dans leur ensemble des différences assez nombreuses. Or une des erreurs où sont tombés le plus fréquemment les adversaires des Basques, c’est la confusion qu’ils font de choses parfaitement