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bien qu’il y eût une junte ou comité auxiliaire de la guerre, ce comité était occupé beaucoup plus à faciliter l’action du pouvoir suprême et à fournir aux réquisitions de l’armée qu’à gouverner le pays selon la coutume. De là peu à peu la division qui s’établit dans le camp carliste entre les partisans des fueros et les royalistes intransigeans, les uns voulant par-dessus tout sauver leurs libertés séculaires, les autres prêts à tout sacrifier au roi, leur propre liberté comme les biens d’autrui. Cette division, en s’accentuant, devait amener la fin de la guerre. En effet, que le gouvernement de la reine promit de ne point toucher à l’organisation spéciale des provinces, et du même coup on séparait la cause des Basques de celle du prétendant. Déjà en 1837, Espartero leur disait : « Comme général en chef de l’armée de la reine et au nom de son gouvernement, je vous assure que les fueros que vous avez craint de perdre vous seront conservés et que jamais on n’a pensé à vous en dépouiller ; » et deux ans plus tard à Vergara, après que le convenio eut été définitivement conclu, en présence des bataillons guipuzcoans qui, toujours inquiets que leurs privilèges ne fussent pas maintenus par les cortès, avaient jusque-là retardé leur soumission : « Je vous promets, leur répétait-il dans une chaleureuse allocution, que l’on vous conservera vos fueros, et si jamais quelqu’un tentait de vous en dépouiller, mon épée serait la première à sortir du fourreau pour vous défendre. » Enfin le premier article du convenio portait explicitement : « Le capitaine-général don Baldomero Espartero recommandera avec instance au gouvernement l’accomplissement de sa promesse formelle de proposer aux cortès la concession ou modification des fueros. » Espartero tint parole, et les cortès, de leur côté, faisant droit à sa recommandation, votèrent la fameuse loi du 25 octobre 1839, qui commence ainsi : « Art. 1er. Les fueros des provinces basques et de la Navarre sont confirmés sans préjudice de l’unité constitutionnelle de la monarchie. Art. 2. Le gouvernement, aussitôt que l’opportunité le permettra et après avoir entendu les provinces basques et la Navarre, proposera aux cortès les modifications indispensables que dans les fueros réclame l’intérêt des mêmes provinces concilié avec l’intérêt général de la nation et de la constitution de la monarchie. » Que signifiait pour les législateurs cette formule un peu trop vague peut-être, « sans préjudice de l’unité constitutionnelle de la monarchie, » et cette autre non moins élastique, « l’intérêt des provinces concilié avec le bien général de la nation ? » Une longue discussion s’engagea dans les chambres, où prirent part les orateurs les plus distingués et après laquelle le doute n’est plus permis. Selon les propres paroles du ministre de la justice, M. Arrazola, par « unité