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qu’elles s’opposeront à la violence par les armes, menaçant même de rompre le pacte conclu jadis avec la monarchie. L’histoire a conservé la fière représentation que les Vizcayens adressèrent en 1601 au roi Philippe III : « Seigneur, disaient-ils, vu par nous, antique et honorée seigneurie de Vizcaye, combien mal votre majesté est informée pour vouloir nous faire tort et maltraiter tant à l’improviste en récompense des nombreux, grands et loyaux services que cette seigneurie a rendus et rend encore à la couronne royale de votre majesté, en ordonnant que nous ayons à payer certains tributs et droits comme paient les autres bonnes gens de ces royaumes de Castille, ayant fait junte générale en notre ville de Guernica, nous avons jugé que nous devions demander humblement à votre majesté qu’elle veuille bien ordonner que soit effacé, rayé et corrigé de ses royales pragmatiques ce qui nous touche, car juste est notre demande, et supplions votre majesté qu’il n’y ait pas lieu de faire que nous soyons obligés à défendre notre très chère et aimée patrie, jusqu’à voir brûlée et désolée cette seigneurie et morts nos enfans, nos femmes et nos familles, et à chercher qui nous secoure et traite bien. »

Cependant le triomphe des Basques n’était jamais que momentané. Attaqués longtemps par l’absolutisme et dans l’intérêt du pouvoir royal, les fueros devaient l’être aussi au nom des idées libérales et démocratiques. Les principes d’unité et d’égalité proclamés par la révolution française commençaient à se répandre en Europe et comptaient déjà jusque dans la péninsule des partisans déclarés. Un d’eux était Godoy, connu plus tard sous le nom de prince de la Paix, simple soldat aux gardes, élevé par l’amour d’une reine impudique jusqu’aux plus hautes dignités de l’état. Quelle que fût l’origine de sa faveur, Godoy ne manquait comme ministre ni d’intelligence ni de bonne volonté, mais une grande chose lui faisait défaut : la dignité de caractère. Il avait envoyé dans les provinces basques un certain Zamora, sa créature, pour suivre de près les événemens de la guerre qui, depuis la mort de Louis XVI, divisait la France et l’Espagne. Le traité de Basilea mit fin aux hostilités, et en félicitant Godoy de la paix, Zamora lui disait : « Si cette paix était suivie de l’union des provinces au reste de la nation sans les barrières forales qui les séparent et en font comme un membre mort du royaume, votre excellence aurait fait une de ces grandes choses que nous n’avons plus vues depuis le temps du cardinal Ximenez et du grand Philippe V. » La proposition sourit au favori ; mais pour mieux préparer l’opinion publique, il chargea Antonio Llorente, un ecclésiastique, de démontrer historiquement que jamais les Basques n’avaient été indépendans et qu’ils n’étaient pas