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prérogatives ; les autres ne survécurent que peu de temps. « En vertu du juste droit de conquête, dit Philippe V dans son décret du 29 juin 1707, et considérant aussi que l’un des principaux attributs de la souveraineté est l’imposition et la suppression des lois, lesquelles je pouvais modifier, même sans les grands et fondés motifs qui aujourd’hui m’y poussent en ce qui touche les habitans de Valence et d’Aragon, pour cela, comme par mon désir de réduire tous mes royaumes d’Espagne à l’uniformité des mêmes lois, j’ai jugé bon d’abolir et retrancher, comme aujourd’hui je fais, tous les fueros, privilèges, pratiques et coutumes jusqu’ici observés dans lesdits royaumes de Valence et d’Aragon. » Philippe V se vengeait ainsi de l’aide que ces deux pays avaient prêtée à l’archiduc Charles durant la guerre de la succession, et depuis ce jour en effet ils n’ont gardé de leur code spécial que la partie purement civile.

Quoi qu’il en soit, plus heureuses que leurs voisines, les provinces basques avaient pu conserver leurs institutions libérales et démocratiques. Sans doute il leur a fallu pour cela beaucoup d’énergie, de prudence et d’adresse ; mais n’y aurait-il pas aussi de Basque à Castillan une différence de races qui a rendu plus admissible et plus durable cette variété des législations ? Un fait à noter, c’est qu’en France même, où l’autorité royale fut de bonne heure si fortement constituée et où les dissemblances entre les différentes provinces ne portaient guère que sur des points secondaires d’administration, les habitans du Labourd, de la Basse-Navarre et de la Soûle, formant ensemble la partie basque du territoire français, jouirent jusqu’à 1789 de privilèges vraiment inouïs. La Soule, qui n’a guère que huit lieues de long sur quatre de large, veillait elle-même à la garde de ses frontières ; ses troupes nationales consistaient en un bataillon d’infanterie dont elle nommait les chefs. Les lois du pays étaient contenues dans une récapitulation de ses us et coutumes faite du temps de François Ier et approuvée par ce prince. Il y était dit que tous les Souletins sont francs, de libre condition et sans aucune tache de servitude ; qu’en tout temps et lieu ils ont droit de porter des armes pour leur propre défense et celle du pays ; qu’on ne peut les obliger à servir au dedans ou au dehors de la province, sinon en temps de guerre et sur l’ordre du roi ; qu’en se mariant ils peuvent constituer des majorats, et que, s’ils commettent quelque faute grave, celle de haute trahison par exemple, ils auront la tête tranchée, double privilège réservé aux nobles ; qu’ils peuvent construire librement sur leurs domaines ; qu’ils ne seront pas soumis à la gabelle ni à aucun droit d’exportation sur leurs marchandises jusqu’à la cité de Toulouse ; qu’ils ne fourniront aucun tribut ni impôt, hormis une certaine somme répartie entre les chefs de