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deux époux est considéré par la loi comme possédant à titre égal la moitié des biens du ménage, quel qu’ait été du reste son propre apport, et, à la mort du mari, la femme conserve la libre disposition de sa part, sauf dans le cas de secondes noces. Le père, en sa qualité de législateur domestique, peut, de son vivant comme à l’article de la mort, disposer librement de tous ses biens, meubles et immeubles, en faveur de l’un de ses enfans ou petits-enfans, à l’exclusion des autres ; mais il n’aurait garde d’user jusqu’au bout du pouvoir que la loi lui met dans les mains ; tout se borne de sa part à choisir pour héritier du domaine le fils le plus habile aux travaux des champs, avec obligation pour l’élu de fournir à ses frères et sœurs certaine somme d’argent qui leur sert de dot et qui est fixée le plus équitablement possible, selon l’état de la fortune patrimoniale ; par ce moyen, le domaine ne court pas le risque d’être divisé, ce qui, à la longue, ne laisserait pas d’amener les résultats les plus déplorables dans un pays comme la Vizcaye, où la propriété est déjà très morcelée. En dernier lieu, si les biens-fonds retournent toujours à la famille, si nul ne peut disposer de ses biens immeubles en faveur d’un étranger tant qu’il y a parent au quatrième degré ; si, en cas de vente, la préférence est toujours donnée aux parens sur les autres acheteurs ; si même les biens acquis pendant le mariage par l’un ou l’autre des époux sont considérés comme biens patrimoniaux pour les effets de leur transmission, rien ne prouve mieux que ces restrictions imposées à la propriété le respect profond de la famille, qui a tant contribué jusqu’ici à la prospérité matérielle et morale du señorio.

Les codes des trois provinces s’occupaient en grand détail de la justice criminelle, et le fait n’a rien d’étonnant si l’on songe aux temps troublés de leur formation ; mais un décret royal du 29 octobre 1841 a étendu au pays basque l’administration judiciaire commune à tout le royaume. D’ailleurs on retrouverait dans cette partie des fueros le même sentiment de fierté et de mâle indépendance qui en a dicté tous les articles. « Aucun Vizcayen ne pourra être jugé que par ses juges naturels, et, s’il est domicilié hors du señorio, par le juge-mayor de la salle de Vizcaye, en la chancellerie de Valladolid ; — aucun Vizcayen ne peut être arrêté sinon par ordre du juge compétent dans le cas de flagrant délit, pour viol, larcin et autres crimes que le fuero détermine expressément ; — en tous les autres cas, le juge doit se borner à lancer un avis d’appel ; — en vertu de cet avis, le prévenu est cité sous l’arbre de Guernica, durant trente jours, pour avoir à se présenter dans la prison publique du señorio sous peine d’être condamné comme rebelle ; — les Vizcayens ne peuvent être arrêtés pour dette ordinaire, ni leur maison,