Contrairement à ce qui s’est passé en Australie, la démocratie a pris l’ascendant en Nouvelle-Zélande, et selon toute probabilité elle le conservera, car tout concourt à l’envi à le lui assurer, mœurs, lois, constitution, circonstances physiques du sol et du climat.
Elle a eu cet ascendant dès l’origine, mais ce n’est pas, comme on pourrait le croire, parce qu’elle sortit des forces libres des initiatives individuelles. Bien que nous trouvions parmi les rangs de la New Zealand land company des noms comme celui de sir William Molesworth, si connu par sa bienveillance aux intérêts populaires et sa persistance dans les opinions radicales, l’association qui fut mère de la colonie avait simplement en vue de donner du terrain à ceux qui n’en avaient pas sans se proposer d’autre but plus particulièrement démocratique. Beaucoup de ses membres, mais surtout de ses affiliés et de ses partisans, poursuivaient au contraire la réalisation de quelque chose de plus chimérique, mais d’extrêmement noble et touchant, la création de colonies composées d’élémens homogènes qui auraient été au-delà des mers les transplantations de tels ou tels groupes de population de la Grande-Bretagne avec leurs lares et pénates et tout ce qui constituait leurs habitudes d’esprit et de cœur. On rêvait de découper le territoire de la Nouvelle-Zélande en une multitude de petites Pensylvanies de diverses dénominations, les unes composées d’élémens exclusivement anglicans, les autres d’élémens exclusivement presbytériens. De la sorte, l’émigration, pensait-on, perdrait tout redoutable caractère d’exil, car c’était la patrie même que les émigrans emporteraient avec eux, la patrie dans ce qu’elle avait de meilleur et de plus attachant, la patrie sans le voisinage importun ou scandaleux des Amalécites des sectes rivales ou le contact journalier des Philistins de l’incrédulité, et lorsqu’ils chanteraient sur la terre étrangère le Home, sweet home, ce serait en toute vérité, sans mélange de regret amer ou de mélancolique souvenir. L’homme entreprenant que nous avons vu jouer un rôle si décisif dans l’histoire de la colonisation de la Nouvelle-Zélande, M. Gibbon Wakefield, comprit tout le secours que cette idée pouvait prêter à ses projets, et l’embrassa avec enthousiasme. Il la trouvait seulement trop étroite, et en aurait volontiers étendu l’application non-seulement aux diverses communautés chrétiennes, mais à toutes les autres religions, et aux simples sectes philosophiques. Un instant même, il eut la pensée de créer une colonie exclusivement composée d’israélites anglais, projet dont un juif spirituel fit ingénieusement la critique en disant qu’une telle