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en litige ou à soumettre la question à un arbitrage. Les Maoris ne voulurent entendre à aucune proposition, et la guerre recommença ; 15,000 hommes, sous les ordres du général Cameron, entrèrent alors en campagne contre 2,000 Maoris. C’était une terrible inégalité de forces et qui semblerait avoir dû faire pencher tout aussitôt la balance du côté des Anglais. Il n’en fut cependant rien. Les Maoris évitèrent toujours habilement de se présenter devant leurs ennemis en bataille rangée, et s’en tinrent à une guerre défensive où ils combattirent dans des camps retranchés construits en terre qu’ils abandonnaient secrètement lorsqu’ils ne pouvaient plus tenir pour aller plus loin en élever de nouveaux, en sorte que cette campagne ressembla à une guerre contre une succession de gigantesques taupinières homicides. Plusieurs des attaques dirigées contre ces camps retranchés, nommés pahs dans la langue du pays, sont célèbres dans la toute fraîche histoire de la Nouvelle-Zélande, notamment celles du pah de Rangariri et de Gate-pah près de Tauranga. Les récits qui nous sont faits de ces deux affaires rappellent d’une manière fort étroite nos sièges des forteresses africaines de Zaatcha et de Laghouat, et ce n’est certes pas un médiocre éloge à faire des qualités militaires des Maoris que de dire que, pour la ténacité héroïque et l’habileté de la défense, nos Arabes d’Algérie trouveraient en eux de dignes émules.

Durant cette guerre, des tribus entières disparurent, par exemple celle de Waikato, et leurs terres furent confisquées ; mais alors une nouvelle machine de résistance, plus formidable que toutes les autres, se révéla tout à coup chez les Maoris, où quelque homme de génie, appelant la superstition à l’aide de son désespoir patriotique, mit au monde une sorte de religion nouvelle ayant pour but de rappeler les indigènes à leur barbarie traditionnelle jusque dans ses pratiques les plus abominables. — Une partie de notre faiblesse, pensa le sauvage de génie dont le nom ne nous est pas rapporté, vient incontestablement de la trop grande condescendance que nous avons montrée aux coutumes et à la religion des Pakehas. Nous devons être différens d’eux pour les vaincre, nous devons leur inspirer horreur pour leur imposer respect. En adoptant leurs coutumes et leur religion, nous abdiquons notre force sans acquérir la leur, nous cessons d’être ce que nous sommes sans devenir ce qu’ils sont. Que sommes-nous pour eux lorsque nous leur montrons trop de complaisance ? Des apprentis en civilisation dont les tâtonnemens font rire, des inférieurs dont on raille familièrement les gaucheries, des esclaves dont l’origine n’est jamais effacée, toutes variétés d’êtres qu’on ne hait plus, mais qu’on méprise. Eh bien ! que tout ce qui leur était en horreur parmi nous nous soit d’autant plus cher, que tout ce qu’ils condamnaient nous soit d’autant plus sacré.