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suite de ce traité, les marchés conclus antérieurement par les colons avec les chefs indigènes furent soumis à révision, et il fut avéré après enquête que, sur les 45 millions d’acres qu’ils prétendaient avoir acquis, il y en avait plus des trois quarts dont les titres étaient nuls de droit, ces terres ayant été payées de prix dérisoires ou achetées à des vendeurs qui n’avaient nulle autorité pour en disposer. La plupart des terres furent donc rendues aux tribus qui les avaient perdues, et l’on put croire que la jeune colonie fondée sur ces bases de justice pourrait se développer en paix et vivre en bonne intelligence avec les indigènes. Cette illusion fut de courte durée.

On peut s’étonner de voir le gouvernement anglais reconnaître aux Maoris ce droit de propriétaires comme premiers occupans, tandis qu’il ne l’a jamais reconnu aux aborigènes australiens. C’est que les Maoris, tout cannibales qu’ils sont, composent une population des plus braves et des plus intelligentes, tandis que les indigènes australiens composent une population aussi bestiale que peu redoutable, en sorte que cette justice apparente montrée aux Maoris n’a été au fond autre chose que la crainte de la force, ce qui prouve qu’il est bon même pour un sauvage d’avoir les moyens de se faire respecter. Soyez anthropophages, mais forts, et l’un des plus puissans gouvernemens de ce monde vous traitera avec déférence ; soyez inoffensifs, mais stupides et faibles, et vous serez écrasés sans pitié. Voilà qui justifie passablement le mot de l’Écriture : « En vérité, en vérité, je vous le dis, à celui qui a il sera donné par surcroit, et à celui qui n’a pas il sera ôté même ce qu’il a » Plus d’un ministre anglican de ces régions australiennes pourrait prendre, ce nous semble, ce texte pour sujet d’une de ses instructions religieuses.


II. — LES MAORIS.

De toutes les différences qui séparent la Nouvelle-Zélande de l’Australie, les Maoris sont certainement la plus considérable et la plus tranchée. Qu’ils sont une population polynésienne, de race malaise, venue des îles des Navigateurs, ou peut-être même des îles Sandwich, comme leur langage, paraît-il, en porte témoignage, cela est bien connu ; ce qui l’est moins, c’est que leur immigration est de date relativement fort récente. On peut calculer ; dit M. Trollope, par la succession des chefs dont les noms ont été tenus en mémoire par la tradition, qu’elle ne remonte pas plus haut que le commencement du XVe siècle. En un sens cependant, ils peuvent être appelés indigènes, car ils paraissent bien avoir été les premiers habitans de la Nouvelle-Zélande. Ici nous ne sommes plus en présence des stupides aborigènes australiens ; par son intelligence et