Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/875

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

membres se trouvait un homme d’une activité d’esprit remarquable gai, dans ces années-là, s’était dévoué corps et âme à l’œuvre de la colonisation, non-seulement pour la Nouvelle-Zélande, mais pour les parties encore inoccupées de l’Australie, M. Gibbon Wakefield.

Tête à projets, utopiste pratique, M. Gibbon Wakefield, tel qu’il nous est dépeint par M. Trollope, se présente à nous sous les traits originaux d’un William Penn homme d’affaires. On le rencontrait partout où il y avait une colonie à former, avec un plan tout préparé, qu’il consentait à modifier ou à transformer, pourvu que son idée fixe triomphât, car il paraît avoir été sans scrupules méticuleux sur le choix des alliés et des moyens ; cette affaire de la Nouvelle-Zélande en fut une preuve manifeste. Ce fut lui qui força réellement la main au gouvernement anglais en poussant la compagnie de la Nouvelle-Zélande à se passer de l’autorisation du Colonial office, Malgré la défense de lord John Russell, un navire d’émigrans, appartenant à la compagnie, mit à la voile au mois de juin 183,9 pour la Nouvelle-Zélande, sous la direction du colonel Wakefield, le propre frère de M. Gibbon Wakefield. L’usurpation qu’avait redoutée le Colonial office s’accomplissait donc audacieusement ; la compagnie allait créer une colonie qui ne relèverait en réalité que d’elle seule. Ainsi poussé dans ses derniers retranchemens, le gouvernement anglais se décida enfin à proclamer la Nouvelle-Zélande partie de la Nouvelle-Galles du sud et relevant de son gouvernement, et il envoya sans délai le capitaine Hobson pour y représenter l’autorité légitime sous le titre de lieutenant-gouverneur.

Entre l’arrivée du navire de la New Zealand land company et celle du capitaine Hobson, il s’écoula cependant près de six mois, et les usurpateurs mirent ce temps à profit. Ils se hâtèrent Cacheter aux indigènes, autour de la baie de Wellington, première ville fondée par les colons et future capitale de la Nouvelle-Zélande, d’énormes étendues de terre, moyennant quelques cargaisons de marchandises ridicules, petits miroirs, brosses et pinceaux pour la barbe, cire à cacheter et autres précieuses denrées. Le premier acte du capitaine Hobson en arrivant en Nouvelle-Zélande fut de prendre une mesure qui, sans annuler absolument les marchés conclus par Wakefield et ses compagnons, les soumettait à une vérification prochaine. Il convoqua dans une localité nommée Waitangi une assemblée de quarante-six chefs et de cinq cent douze Maoris notables, et conclut avec eux un traité fameux dans l’histoire de la colonie, car îl est encore aujourd’hui la base du droit public en Nouvelle-Zélande. Par ce traité, les Maoris reconnaissaient la reine d’Angleterre comme leur souveraine, et la reine en retour s’engageait à protéger les tribus, et leur garantissait la possession des terres des deux îles dont elle les reconnaissait légitimes propriétaires. Par